LégiMonaco - Cour d'appel - Monsieur/c/ FR.
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Cour d'appel

Monaco

12 novembre 2018

Monsieur

c/ FR.

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Procédure pénale - droits de la défense - violation du droit à un procès équitable - ignorance des droits fondamentaux - violation du principe d'égalité des armes - principe de la loyauté des preuves - violation du principe de la loyauté de la preuve (oui)

Résumé

S'agissant de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, il convient de rappeler tout d'abord que le mandat d'arrêt international, mandat d'arrêt faisant l'objet d'une diffusion internationale, obéit aux règles des articles 162 et suivants du Code de procédure pénale . Il résulte de l'application combinée des articles 162 et 164 du Code de procédure pénale , que le juge d'instruction est en droit de décerner un mandat d'arrêt à l'inculpé avant son premier interrogatoire, si celui-ci réside à l'étranger et s'il existe contre lui des indices graves d'avoir commis une infraction punissable d'une peine privative de liberté.

En l'espèce, il est établi que le requérant c. FR résidait en Espagne, pays depuis lequel il a été extradé, le 29 juillet 2011 date à laquelle un mandat d'arrêt a été émis à son encontre par le juge d'instruction, et qu'il n'est pas discuté qu'il existait des indices graves contre lui d'avoir commis des faits d'escroqueries et de soustraction frauduleuses au paiement de l'impôt.

Et en considération des textes applicables, de la résidence à l'étranger du requérant c. FR et de la nature des faits qui lui sont reprochés, aucune violation ne résulte de la délivrance du mandat d'arrêt, sans son interrogatoire préalable.

En revanche, il résulte desdites dispositions que la délivrance d'un mandat d'arrêt, qui est la notification par le juge des faits imputés, confère en ce cas à la personne qui en est l'objet la qualité d'inculpé, de sorte que l'interrogatoire de première comparution prévu par l' article 166 du Code de procédure pénale est purement formel.

De plus, le mandat d'arrêt délivré le 29 juillet 2011 à l'encontre du requérant c. FR a donc eu pour conséquence de lui ouvrir les droits à l'assistance d'un défenseur et à l'accès au dossier, qui découlent des dispositions des articles 167 et 178 du Code de procédure pénale et des principes édictés par les articles 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquels toute personne a droit à un procès équitable.

En l'espèce, le magistrat instructeur a, suivant courrier en date du 4 novembre 2011, informé le conseil du requérant c. FR que les droits à l'accès au dossier et à l'assistance étaient conditionnés par la tenue de l'interrogatoire de première comparution. Et contrairement aux prescriptions des articles 167 et 178 précités, le juge d'instruction n'a pas donné suite au courrier en date du 15 novembre 2011, reçu le 28 novembre suivant, par lequel c. FR a désigné Maîtres BERGONZI et BERNARD, pour assurer sa défense.

Il convient de souligner que ces prescriptions sont essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité pour chaque acte de procédure auquel elles s'appliquent.

Par ailleurs, il appartient au requérant à la nullité d'établir la réalité de l'incidence de la violation de la règle sur les droits de la défense en caractérisant pour chaque acte de procédure incriminé le lien entre l'inobservation du texte et l'acte en cause.

En l'espèce le requérant excipe d'une violation générale de ses droits sans incriminer précisément aucun acte de la procédure, à l'exception toutefois de la cote D593, des perquisitions réalisées et de la cote D603 (interrogatoire de 1re comparution).

Il convient de relever, en premier lieu, que le délai de mise à disposition de la procédure est de 24 heures seulement avant tout interrogatoire ou toute audition en application des dispositions de l' article 169 du Code de procédure pénale . Et en second lieu, que la cote incriminée est un procès-verbal de renseignements et de transmission du 9 novembre 2011 dans lequel l'officier de police judiciaire fait part au juge d'instruction de l'opportunité, selon lui, de procéder à des perquisitions des domiciles de c. FR au regard de son interpellation en Espagne et de son placement sous écrou extraditionnel.

Cependant, il n'est pas démontré, ni soutenu que l'établissement de ce procès-verbal requérait l'application des dispositions de l' article 167 du Code de procédure pénale .

Ainsi, le moyen de nullité est rejeté et il n'y a pas lieu en conséquence, d'annuler la cote D593 du dossier ni les actes subséquents à celle-ci.

Par ailleurs, le requérant fait valoir qu'il n'était pas présent lors des perquisitions qui ont été réalisées dans le cadre de l'information.

En l'espèce, dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée le 14 novembre 2011 par le magistrat instructeur, une perquisition a eu lieu le 20 mars 2012 en France, en présence de représentants de la Direction des douanes et droits indirects, au domicile parisien de c. FR (cote D598 (D36)).

Et puisqu'il n'entre pas dans la compétence des juridictions monégasques d'apprécier la validité des actes de procédure accomplis à l'étranger, seules les autorités de ce pays ayant compétence pour en apprécier la validité formelle.

En outre, il convient de relever que c. FR bénéficie depuis le 2 août 2012 de l'assistance d'un avocat, par l'intermédiaire duquel il a formé la présente requête en nullité ; qu'il ne saurait dès lors prétendre à la nullité des perquisitions ou actes de procédure postérieurement à cette date pour violation du droit à l'assistance d'un avocat et d'accès au dossier. Par conséquent, le moyen de nullité n'est pas pertinent.

Par ailleurs, il a été procédé le 2 août 2012 à l'interrogatoire de première comparution de c. FR par le juge d'instruction hors la présence de son avocat. Monsieur c. FR inculpé depuis le 29 juillet 2011, date de la délivrance du mandat d'arrêt par lequel il a eu connaissance des faits qui lui sont imputés, il avait le droit d'être assisté de son avocat. En revanche, tel n'a pas été le cas, son conseil n'ayant pas été convoqué audit interrogatoire.

En conséquence, les droits de la défense de c. FR inculpé, devant être préservés par l' article 167 du Code de procédure pénale , n'ont pas été respectés.

De plus, le procès-verbal de première comparution de c. FR doit être annulé, sans qu'il y ait lieu à annulation subséquente d'aucun autre acte ultérieur de la procédure, celui-ci ayant bénéficié à partir du 2 août 2012 aux droits à l'assistance d'un avocat et à l'accès au dossier.

Quant à la violation du principe d'égalité des armes, l'article 6 de la CEDH énonce, notamment, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. En effet, le principe de la loyauté des preuves repose sur la notion même de procès équitable consacrée par ce texte. Et cette loyauté dans la recherche de la preuve des infractions, qui emporte l'interdiction d'user de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes, doit être exigée des magistrats, comme des enquêteurs.

En l'espèce, le juge d'instruction indique dans la commission rogatoire internationale du 21 janvier 2014 « Dans l'attente de la réception des documents réclamés aux autorités de Hong-Kong, nous avons été informé que c. FR. serait le bénéficiaire économique d'une société dénommée SELMA TRADING LTD ... », renseignement, dont rien n'indique qu'il proviendrait des autorités d'Hong Kong, qui l'a conduit à procéder à des vérifications, ainsi qu'il le mentionne lui-même dans cet acte. Par conséquent, cette information, dont l'origine n'est pas connue, n'est ni consignée ni cotée au dossier.

Ainsi, il se déduit de ces circonstances que les éléments de preuve n'ont pas été recueillis de manière loyale par le magistrat instructeur, lequel en utilisant de la sorte cette information pour formaliser la demande d'entraide internationale, a privé l'inculpé de la possibilité de connaître l'origine et l'émetteur du renseignement et d'en discuter la licéité.

En conséquence le moyen tiré de la violation du principe de la loyauté de la preuve doit être accueilli.

Par ailleurs, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux, intervenus ultérieurement, dont ils sont le support nécessaire.

Par conséquent, doivent être annulés, en l'espèce, la commission rogatoire litigieuse, ses pièces de transmission et d'exécution (D909 à D960), et les actes cotés D961 à D964, actes et pièces affectés par l'irrégularité de la commission rogatoire internationale suisse qui seront retirés de la procédure.

Il y a lieu également d'annuler partiellement le procès-verbal d'interrogatoire n° 6 de c.FR du 20 mars 2018 (cote D969), et d'ordonner l'annulation de toute référence et questions relatives aux sociétés SELMA TRADING LTD, GENERAL TRADING TECHNOLOGICAL COMPANY LTD, GOLIA HOLDING INC, BLUE INVEST MANAGEMENT INC, OCEANVIEW HOLDING INTERNATIONAL CORP et au CEGO TRUST, dont la CRI litigieuse est le support nécessaire.

En application de l' article 210 du Code de procédure pénale , le dossier de la procédure sera renvoyé au juge d'instruction.

Chambre du conseil

(Instruction)

La Cour,

Après débats à l'audience non publique du 11 octobre 2018 et en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Chambre du conseil statue sur la requête de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, pour c. FR. inculpé, aux fins d'annulation d'actes de la procédure d'information.

Considérant les faits suivants :

Dans le cadre d'une information ouverte le 21 juin 2006, sur plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction désigné a été amené, aux termes de plusieurs réquisitoires supplétifs, à informer sur des faits beaucoup plus vastes que ceux dénoncés à l'origine, et notamment sur une escroquerie à la TVA.

Au cours des investigations menées, c. FR. a été entendu en qualité de témoin le 27 novembre 2007 par les services de la Sûreté publique.

En vertu d'un mandat d'arrêt international délivré par le juge d'instruction monégasque le 29 juillet 2011, dans le cadre d'une demande d'extradition adressée aux autorités espagnoles ayant abouti le 15 juin 2012, il a été placé en détention en Espagne du 26 octobre 2011 au 3 février 2012 et du 28 juin 2012 au 1er août 2012.

En l'état des informations obtenues à la suite de la délivrance de plusieurs commissions rogatoires, c. FR. a été inculpé, selon procès-verbal de première comparution en date du 2 août 2012, du chef d'escroquerie (dite à la TVA), délit commis à Monaco courant 2002 à 2006 dans le cadre de son activité pour les S.A.M. TEKLINE et TEKWORLD, et immédiatement placé en détention.

Il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire suivant ordonnance du 23 octobre 2012 .

Interrogé à six reprises par le magistrat instructeur sur le système dit de carrousel de TVA, incluant un circuit en Principauté de Monaco, il a notamment indiqué le 20 mars 2018 qu'il n'en avait pas connaissance au moment de son activité au sein de la S.A.M. TEKWORLD et a ajouté que si cette société avait participé à ladite fraude, c'était à son insu.

La procédure a été déposée au greffe le 19 avril 2018 pour qu'il en soit pris connaissance par les avocats des inculpés et de la partie civile, conformément aux dispositions de l' article 178 du Code de procédure pénale .

Selon une requête aux fins d'annulation des actes de la procédure le concernant, déposée le 4 mai 2018, sur le fondement des articles 209 et 210 du Code de procédure pénale , c. FR. demande à la Chambre du conseil de la Cour de :

- le déclarer recevable en ses demandes, y faisant droit,

- annuler à compter du 4 novembre 2011 tous les actes de la procédure d'instruction le concernant, en application des articles 150, 162, 167, 178 du Code de procédure pénale , 5 et 6 de la CESDH et 3 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques,

- en ordonner la cancellation,

- en toute hypothèse annuler la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction le 21 janvier 2014 aux autorités judiciaires helvétiques, cotée D909 et tous les actes subséquents qui seront cancellés avec toute conséquence de droit, en application des articles 387 du Code pénal , 40, 45, 100, 106-1 et suivants du Code de procédure pénale et 6 de la CESDH,

- statuer sur les suites de la procédure ainsi que de droit.

Au soutien de sa requête, c. FR. fait valoir en substance que la procédure suivie à son encontre est constituée d'une violation manifeste des droits de la défense et du droit à un procès équitable, ainsi que d'une violation des principes de loyauté de la preuve et d'égalité des armes.

Il considère que le juge d'instruction a violé les droits de la défense :

- en lui délivrant un mandat d'arrêt alors qu'il n'était pas inculpé, puis en omettant de faire procéder à un interrogatoire préalablement à cette délivrance, laquelle avait eu pour effet de lui conférer la qualité d'inculpé ; il s'agit d'une violation d'une forme substantielle prévue à l' article 162 du Code de procédure pénale ,

- en lui déniant le droit de désigner un avocat malgré son statut d'inculpé, un tel refus étant au demeurant contraire aux dispositions de l' article 167 du Code de procédure pénale .

Il estime que placé en détention de longs mois sans avoir pu faire valoir ses droits d'inculpé ni avoir accès à la procédure, ses droits fondamentaux, consacrés par les articles 5 et 6 de la CESDH et 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont été ignorés, ce qui lui a porté préjudice puisqu'il n'a pu utilement préparer sa défense.

Il ajoute que pendant ce laps de temps des perquisitions ont été réalisées à son domicile hors de sa présence et des interrogatoires ont été menés, ce qui constitue une violation du principe d'égalité des armes.

Pour ces motifs, il conclut à la nullité de tous les actes de procédure d'instruction le concernant à compter du 4 novembre 2011, date à laquelle le juge d'instruction lui a dénié tous ses droits d'inculpé, nullité qui devra être étendue à tous les actes subséquents.

c. FR. considère en toute hypothèse qu'en demandant, par commission rogatoire internationale en date du 21 janvier 2014, aux autorités helvétiques de recueillir tous éléments concernant la société SELMA TRADING LTD au motif que « nous avons été informé que c. FR. serait le bénéficiaire économique d'une société dénommée SELMA TRADING LTD, laquelle serait ou aurait été titulaire d'un compte à la COUTTS BANK de Genève qui aurait reçu des virements en provenance d'une des cinq sociétés précitées de Hong-Kong (KANSON LTD, RICHMAN PACIFIC INC, CHINOTECH CO LTD, MX-TECH COMPANY et CHEER MAPLE LTD) », le juge d'instruction, qui s'est appuyé pour ce faire sur des renseignements qui ne figurent pas au dossier d'information pour provenir d'une source officieuse, a ce faisant méconnu tant l'obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves que les dispositions de l' article 387 du Code de procédure pénale , qui prévoient que les éléments de preuve produits doivent pouvoir être librement appréciés et discutés devant la juridiction de jugement, et des articles 40, 45, 100, 106-1 et suivants de ce même Code.

Il observe qu'en l'espèce la défense n'est en mesure de contrôler ni l'existence, ni la licéité de cette information, autrement dit d'en discuter la régularité.

Il conclut en conséquence à la nullité de la commission rogatoire précitée (cote D909 et suivantes), comme reposant sur des informations déterminantes pour l'accusation, obtenues déloyalement, non cotées à la procédure et non soumises à la libre discussion des parties, ainsi qu'à la nullité de tous les actes conséquents qui seront cancellés.

Le Ministère public a, dans ses conclusions écrites en date du 10 octobre 2018, requis le rejet des demandes en nullité aux motifs, essentiellement, que :

- la demande de nullité formée en des termes généraux ne respecte pas les dispositions de l' article 209 du Code de procédure pénale ,

- le mandat d'arrêt est régulier,

- la délivrance de la commission rogatoire suisse repose sur les informations obtenues des autorités en charge de l'exécution d'une CRI à Hong Kong.

Le conseil de c. FR. a soutenu oralement la requête en nullité, précisant que la nullité du mandat d'arrêt n'était pas soulevée et que l'annulation était demandée « à partir de la cote D593 jusqu'à la fin ».

Il a fait valoir plus particulièrement que des perquisitions ont été réalisées en l'absence de son client, ce qui constitue in concreto une violation manifeste des droits de la défense, et que c. FR. n'a pas vu d'avocat avant de comparaître devant le juge d'instruction le 2 août 2012.

L'avocat de k l.C.et celui de la partie civile ont déclaré s'en rapporter à justice.

SUR CE,

Attendu que la saisine de la Chambre du conseil par c. FR. conforme aux dispositions édictées par les articles 209 et 234 du Code de procédure pénale , est régulière et recevable ;

Sur la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Attendu que le mandat d'arrêt international, mandat d'arrêt faisant l'objet d'une diffusion internationale, obéit aux règles des articles 162 et suivants du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de l'application combinée des articles 162 et 164 du Code de procédure pénale , que le juge d'instruction est en droit de décerner un mandat d'arrêt à l'inculpé avant son premier interrogatoire, si celui-ci réside à l'étranger et s'il existe contre lui des indices graves d'avoir commis une infraction punissable d'une peine privative de liberté ;

Attendu, au cas présent, qu'il est établi que c. FR. résidait en Espagne, pays depuis lequel il a été extradé, le 29 juillet 2011 date à laquelle un mandat d'arrêt a été émis à son encontre par le juge d'instruction, et qu'il n'est pas discuté qu'il existait des indices graves contre lui d'avoir commis des faits d'escroqueries et de soustraction frauduleuses au paiement de l'impôt ;

Qu'en considération des textes applicables, de la résidence à l'étranger de c. FR.et de la nature des faits qui lui sont reprochés, aucune violation ne résulte de la délivrance du mandat d'arrêt, sans son interrogatoire préalable ;

Attendu en revanche qu'il résulte desdites dispositions que la délivrance d'un mandat d'arrêt, qui est la notification par le juge des faits imputés, confère en ce cas à la personne qui en est l'objet la qualité d'inculpé, de sorte que l'interrogatoire de première comparution prévu par l' article 166 du Code de procédure pénale est purement formel ;

Que le mandat d'arrêt délivré le 29 juillet 2011 à l'encontre de c. FR. a donc eu pour conséquence de lui ouvrir les droits à l'assistance d'un défenseur et à l'accès au dossier, qui découlent des dispositions des articles 167 et 178 du Code de procédure pénale et des principes édictés par les articles 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquels toute personne a droit à un procès équitable ;

Qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a, suivant courrier en date du 4 novembre 2011, informé le conseil de c. FR. que les droits à l'accès au dossier et à l'assistance étaient conditionnés par la tenue de l'interrogatoire de première comparution ;

Que contrairement aux prescriptions des articles 167 et 178 précités, le juge d'instruction n'a pas donné suite au courrier en date du 15 novembre 2011, reçu le 28 novembre suivant, par lequel c. FR. a désigné Maîtres BERGONZI et BERNARD, pour assurer sa défense ;

Que ces prescriptions sont essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité pour chaque acte de procédure auquel elles s'appliquent ;

Qu'il appartient au requérant à la nullité d'établir la réalité de l'incidence de la violation de la règle sur les droits de la défense en caractérisant pour chaque acte de procédure incriminé le lien entre l'inobservation du texte et l'acte en cause ;

Attendu en l'espèce que le requérant excipe d'une violation générale de ses droits sans incriminer précisément aucun acte de la procédure, à l'exception toutefois de la cote D593, des perquisitions réalisées et de la cote D603 (interrogatoire de 1re comparution) ;

Attendu, sur la cote D593, que le requérant, qui précise n'avoir eu communication que de 5 pièces de la procédure, en soulève la nullité au motif qu'il n'a pas été mis en mesure d'être défendu, d'être représenté, d'avoir accès à la procédure, de comprendre ce qui lui était reproché, d'analyser les charges et de présenter sa défense ;

Attendu en premier lieu, que le délai de mise à disposition de la procédure est de 24 heures seulement avant tout interrogatoire ou toute audition en application des dispositions de l' article 169 du Code de procédure pénale ;

Attendu en second lieu, que la cote incriminée est un procès-verbal de renseignements et de transmission du 9 novembre 2011 dans lequel l'officier de police judiciaire fait part au juge d'instruction de l'opportunité, selon lui, de procéder à des perquisitions des domiciles de c. FR.au regard de son interpellation en Espagne et de son placement sous écrou extraditionnel ;

Attendu qu'il n'est pas démontré, ni soutenu que l'établissement de ce procès-verbal requérait l'application des dispositions de l' article 167 du Code de procédure pénale ;

Que le moyen de nullité est rejeté et qu'il n'y a pas lieu en conséquence, d'annuler la cote D593 du dossier ni les actes subséquents à celle-ci ;

Attendu par ailleurs, que le requérant fait valoir qu'il n'était pas présent lors des perquisitions qui ont été réalisées dans le cadre de l'information ;

Qu'en l'espèce, dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée le 14 novembre 2011 par le magistrat instructeur, une perquisition a eu lieu le 20 mars 2012 en France, en présence de représentants de la Direction des douanes et droits indirects, au domicile parisien de c. FR. (cote D598 (D36)) ;

Mais attendu qu'il n'entre pas dans la compétence des juridictions monégasques d'apprécier la validité des actes de procédure accomplis à l'étranger, seules les autorités de ce pays ayant compétence pour en apprécier la validité formelle ;

Attendu en outre qu'il convient de relever que c. FR. bénéficie depuis le 2 août 2012 de l'assistance d'un avocat, par l'intermédiaire duquel il a formé la présente requête en nullité ; qu'il ne saurait dès lors prétendre à la nullité des perquisitions ou actes de procédure postérieurement à cette date pour violation du droit à l'assistance d'un avocat et d'accès au dossier ;

Que le moyen de nullité n'est pas pertinent ;

Attendu qu'il a été procédé le 2 août 2012 à l'interrogatoire de première comparution de c. FR. par le juge d'instruction hors la présence de son avocat ;

Qu'inculpé depuis le 29 juillet 2011, date de la délivrance du mandat d'arrêt par lequel il a eu connaissance des faits qui lui sont imputés, il avait le droit d'être assisté de son avocat ;

Que tel n'a pas été le cas, son conseil n'ayant pas été convoqué audit interrogatoire ;

Qu'en conséquence, les droits de la défense de c. FR. inculpé, que l' article 167 du Code de procédure pénale a pour objet de préserver, n'ont pas été respectés ;

Qu'il s'ensuit que le procès-verbal de première comparution de c. FR. doit être annulé, sans qu'il y ait lieu à annulation subséquente d'aucun autre acte ultérieur de la procédure, celui-ci ayant bénéficié à partir du 2 août 2012 aux droits à l'assistance d'un avocat et à l'accès au dossier ;

Attendu enfin, s'agissant du surplus des actes incriminés, que le requérant ne donne aucune précision d'un acte de la procédure en particulier ;

Que sa carence à démontrer que la règle invoquée s'appliquait à la réalisation des actes de procédure en cause doit conduire à rejeter pour le surplus les demandes de nullité et de cancellation relatives à « tous les actes de la procédure » ;

Sur la violation du principe d'égalité des armes

Attendu que l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme énonce, notamment, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ;

Que le principe de la loyauté des preuves repose sur la notion même de procès équitable consacrée par ce texte ;

Que la loyauté dans la recherche de la preuve des infractions, qui emporte l'interdiction d'user de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes, doit être exigée des magistrats, comme des enquêteurs ;

Attendu qu'en l'espèce, le juge d'instruction indique dans la commission rogatoire internationale du 21 janvier 2014 « Dans l'attente de la réception des documents réclamés aux autorités de Hong-Kong, nous avons été informé que c. FR. serait le bénéficiaire économique d'une société dénommée SELMA TRADING LTD ... », renseignement, dont rien n'indique qu'il proviendrait des autorités d'Hong Kong, qui l'a conduit à procéder à des vérifications, ainsi qu'il le mentionne lui-même dans cet acte ;

Attendu que cette information, dont l'origine n'est pas connue, n'est ni consignée ni cotée au dossier ;

Qu'il se déduit ainsi de ces circonstances que les éléments de preuve n'ont pas été recueillis de manière loyale par le magistrat instructeur, lequel en utilisant de la sorte cette information pour formaliser la demande d'entraide internationale, a privé l'inculpé de la possibilité de connaître l'origine et l'émetteur du renseignement et d'en discuter la licéité ;

Attendu en conséquence que le moyen tiré de la violation du principe de la loyauté de la preuve doit être accueilli ;

Attendu que lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux, intervenus ultérieurement, dont ils sont le support nécessaire ;

Qu'au cas d'espèce doivent être annulés la commission rogatoire litigieuse, ses pièces de transmission et d'exécution (D909 à D960), et les actes cotés D961 à D964, actes et pièces affectés par l'irrégularité de la commission rogatoire internationale suisse qui seront retirés de la procédure ;

Qu'il y a lieu également d'annuler partiellement le procès-verbal d'interrogatoire n° 6 de c. FR. du 20 mars 2018 (cote D969), et d'ordonner la cancellation de toute référence et questions relatives aux sociétés SELMA TRADING LTD, GENERAL TRADING TECHNOLOGICAL COMPANY LTD, GOLIA HOLDING INC, BLUE INVEST MANAGEMENT INC, OCEANVIEW HOLDING INTERNATIONAL CORP et au CEGO TRUST, dont la CRI litigieuse est le support nécessaire ;

Attendu qu'en application de l' article 210 du Code de procédure pénale , le dossier de la procédure sera renvoyé au Juge d'instruction ;

Attendu que les frais du présent arrêt seront laissés à la charge du Trésor ;

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE DU CONSEIL DE LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Reçoit la requête aux fins d'annulation de procédure déposée le 4 mai 2018 par c. FR.

Annule les pièces suivantes dans la procédure suivie sous les numéros Parquet général 2006/000918 et Cabinet d'instruction B14/06 contre h. HE. veuve HA. c. FR. w.JO. m.NA.et k l. C.:

- le procès-verbal de première comparution du 2 août 2012 (D603),

- la commission rogatoire internationale suisse du 21 janvier 2014 (cote D909),

- les pièces de transmission (cotes D910 à D926),

- les pièces d'exécution (cotes D927 à D960),

- la réquisition à traducteur du 12 octobre 2017 (cote D961),

- les traductions des cotes D929, D932 et D934 (cotes D962 à D964),

- le procès-verbal d'interrogatoire n° 6 de c. FR. du 20 mars 2018 (cote D969) uniquement en ce qu'il fait référence aux sociétés SELMA TRADING LTD, GENERAL TRADING TECHNOLOGICAL COMPANY LTD, GOLIA HOLDING INC, BLUE INVEST MANAGEMENT INC, OCEANVIEW HOLDING INTERNATIONAL CORP et au CEGO TRUST,

Ordonne le retrait des actes entièrement annulés du dossier,

Ordonne la cancellation de la cote D969 faisant l'objet d'une annulation partielle, Renvoie le dossier de la procédure au juge d'instruction,

Rejette le surplus des demandes formées par c. FR. Laisse les frais du présent arrêt à la charge du Trésor.


Contentieux Judiciaire