LégiMonaco - Cour d'appel - T. D./c/ T. P. et L.
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Cour d'appel

Monaco

. M. Landwerlin, prem. prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Pasquier-Ciulla, av. déf. ; Zabaldano, av.

14 décembre 2005

T. D.

c/ T. P. et L.

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Procédure pénale
  Instruction
  - Nullité
  - Demande formée par la défense contrairement aux prescriptions de l'article 229 CPP
  - Recevabilité de cette demande sur le fondement :
  - de l'article 14 du pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, applicable à Monaco (Ord. n° 13.330 du 12 février 1998)
  - de l'article 16, §1 de la Convention européenne des droits de l'homme du 5 novembre 1950 applicable à Monaco depuis le 30 novembre 2005
  -Demande non fondée : en l'état du pouvoir du magistrat instructeur d'accomplir des actes d'instruction (art. 87 CPP) même après expiration du délai de 15 jours prévu par l'article 178 CPP)

Résumé

Conventions Internationales

- Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques

- Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 applicable à Monaco

Aux termes de l'article 229 du Code de procédure pénale, l'inculpé ne peut interjeter appel que des seules ordonnances lui faisant grief que le juge d'instruction est appelé à rendre dans l'application des articles 74, 91, 91-1, 123, 183 à 185, 187, 190 et 192 dudit code ;

L'acte actuellement critiqué par la défense ne procède, directement, de l'application d'aucun de ces textes ; d'où il ressort qu'est irrecevable l'appel dont il est l'objet ;

Toutefois, par cet acte, le juge d'instruction, qui avait été sollicité par la défense d'examiner l'existence d'une nullité pouvant affecter une commission rogatoire par lui délivrée le 29 mars 2004, a dit n'y avoir lieu de saisir en l'occurrence la Chambre du conseil sur le fondement de l'article 209 du Code de procédure pénale, en vue de l'appréciation par cette juridiction de la nullité prétendue ;

L'article 205 précité dispose : « (...) : s'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte de l'information encourt la nullité, il saisit la Chambre du Conseil aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur général et averti l'inculpé ainsi que la partie civile ;

Lorsque le procureur général estime qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction, communication de la procédure pour être transmise à la Chambre du Conseil et présente requête aux mêmes fins d'annulation, après avoir avisé lesdites parties » ;

Il résulte de ces dispositions que seuls le juge d'instruction ou le procureur général peuvent demander à la Chambre du Conseil de prononcer une nullité, à l'exclusion de l'inculpé ;

Il apparaît ainsi, corrélativement, que les droits de l'inculpé se trouvent déséquilibrés en sa défaveur, par rapport à ceux du ministère public, quant à l'exercice par ces deux parties de la faculté d'invoquer devant la Chambre du Conseil l'irrégularité de la procédure d'instruction aux fins d'annulation éventuelle d'un acte de celle-ci, une telle irrégularité ne pouvant être sollicitée directement par la défense en cours d'information ;

À cet égard, les stipulations contenues à l'article 14 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui est entré en vigueur à Monaco selon Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998, indiquent « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... » ;

Ces normes conventionnelles doivent s'analyser comme étant directement applicables en tant qu'elles sont suffisamment précises à la fois en leur objet et en leur forme, pour être mises en œuvre dans l'ordre juridique des États sans mesures complémentaires d'exécution ;

Les plaideurs doivent donc être admis à les invoquer utilement devant les juridictions monégasques, même à l'encontre de dispositions contraires du droit interne, ce qui leur confère ainsi un titre pour agir devant ces juridictions en vue de l'application de ces normes, tenues pour supérieures aux dispositions de ce droit ;

Il doit être, en effet, rappelé, comme l'a retenu la Cour de Révision judiciaire, par arrêté du 21 avril 1980, que les conventions internationales priment en droit monégasque les lois internes mêmes postérieures, ainsi que l'implique l'article 1er de la Constitution ;

En outre, les stipulations précitées du PIDCP sont, pour l'essentiel, analogues à celles de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH), que la Principauté a signée le 5 octobre 2004 et ratifiée le 30 novembre 2005, laquelle est donc entrée immédiatement en vigueur, comme le prévoit son article 59, § 3 ;

Cette convention, désormais incorporée dans l'ordre juridique monégasque, impose ainsi aux juridictions de la Principauté d'assurer la sanction des droits qu'elle garantit, au moyen d'une application du droit interne fondée sur les stipulations qu'elle comporte ;

Dans ces conditions, Maître Jean-Pierre Licari ayant expressément invoqué en son mémoire la nullité d'un acte de l'instruction, il convient d'octroyer D. T., quant à la recevabilité de sa requête en nullité ainsi formulée, le bénéfice du principe d'égalité déduit des stipulations précitées, qui doit, en l'espèce, s'appliquer à la phase d'instruction en tant que celle-ci conditionne, dès lors qu'est en jeu sa régularité, le jugement ultérieur au fond que prévoient, respectivement, les articles 14 et 6, § 1 précitées ;

Ce principe conduit à la recevabilité de la requête en nullité du conseil de l'inculpé D. T. tendant formellement à l'application de l'article 210 du Code de procédure pénale, la Chambre du Conseil n'en ayant pas été saisie par le procureur général, ou par le juge d'instruction, sollicité à cet effet par la défense ;

Ainsi bien que non prévue par l'article 209 du même code, ladite requête antérieurement soumise au magistrat instructeur doit être, en définitive, déclarée recevable ;

Il convient donc d'examiner désormais les moyens de nullité actuellement invoqués ;

À cet égard, le juge d'instruction peut, dans le cadre de sa saisine, ordonner d'office l'accomplissement de tous actes d'instruction qu'il estime nécessaires à la manifestation de la vérité, ce, sur le fondement de l'article 87 du Code de procédure pénale ;

Les actes d'exécution de la commission rogatoire susvisée, qu'il a délivrée le 29 mars 2004, ne sauraient donc encourir de nullité, non plus que cette délégation elle-même, au motif invoqué par la défense qu'ils n'auraient pu être sollicités, en l'espèce, sur le fondement de l'article 91-1 du Code de procédure pénale, par suite de l'expiration du délai prévu à l'article 178 dudit code ;

Au demeurant ces actes pouvaient être régulièrement prescrits sur le fondement de l'article 87 précité, dès lors que le dessaisissement du magistrat instructeur ne résulte normalement que de l'ordonnance de règlement rendue par application, notamment, de l'article 214 du Code de procédure pénale, et qu'une telle ordonnance n'est pas intervenue.

La Cour,

Considérant les faits suivants :

la date du 31 juillet 2002, L.T. et P.T. ont déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de D.T.

Ils exposaient que S.T. était décédé le 26 février 1997 à l'Hôpital de Gênes, où il avait été admis le 3 février 1997, laissant pour lui succéder cinq neveux, dont eux-mêmes outre D.T. et qu'il avait consenti une procuration bancaire conférant à ce dernier le droit de gérer et administrer ses fonds mais pas d'en disposer ;

Ils précisaient que, constatant après le décès de leur oncle qu'une partie des avoirs de celui-ci avait fait l'objet, sur ordre de son mandataire, de virements à des dates proches du décès, voire postérieures, ils avaient, afin d'obtenir de plus amples renseignements, engagé plusieurs procédures civiles.

Ils indiquaient ainsi, que le 16 mars 1998, le président du Tribunal de première instance avait, par ordonnance confirmée par la Cour d'appel, désigné Mme B. D., en qualité de séquestre d'une somme de 1 005 157,05 francs détenue par D.T. au motif que l'ordre de virement en cause avait été exécuté postérieurement au décès.

En outre, par ordonnance de référé du 26 octobre 1998, également confirmée par la Cour d'appel, ce magistrat avait commis l'expert susnommé avec mission « de retracer les conditions dans lesquelles les comptes ouverts par S.T. dans les livres de l'établissement ABN AMRO Bank à Monaco ont fonctionné à partir du 7 juin 1995, date de la procuration donnée à D.T. jusqu'au décès de S.T. survenu le 26 février 1997 et le cas échéant l'extinction effective du mandat consenti, en fournissant toutes explications sur les causes des mouvements analysés ».

Les plaignants rappelaient que cette expertise avait révélé qu'entre le 25 et le 26 février 1997 la somme de 2 339 299,48 francs avait été virée du compte de S.T. sur celui de D.T., qui avait soutenu que la procuration consentie procédait d'une intention libérale.

Il ressortait toutefois de ce rapport que les investigations de l'expert n'avaient pas porté sur la totalité des avoirs. Dans la mesure où la banque n'avait pas fourni à l'expert les éléments nécessaires à l'étude d'un compte de titres n° 109924, ce même expert, de nouveau commis par ordonnance de référé du 7 mars 2000, a établi un second rapport révélant que, dans les deux jours qui ont précédé le décès du de cujus, D.T. avait viré du compte de S.T. sur son propre compte la somme totale de 6 590 501,80 francs, soit 1 004 715,50 euros.

Requis d'informer contre D.T. à l'encontre duquel, selon le Parquet général, il ressortait, au vu des pièces communiquées, des présomptions graves d'abus de confiance, le magistrat instructeur a, le 8 novembre 2002, inculpé D.T. de ce chef.

Entendu et confronté aux parties civiles le 12 mai 2002, D.T. a estimé ne pas avoir à rendre compte de la gestion de ses affaires personnelles, et rappelé que ses explications avaient convaincu le juge civil puisque le séquestre judiciairement ordonné de son compte personnel à Monaco, avait été levé. Il a donc contesté l'inculpation prononcée à son encontre.

Le 8 octobre 2003, le juge d'instruction a donné délégation au directeur de la Sûreté publique à l'effet, notamment, de requérir de toute personne habilitée, au sein de l'ABN AMRO Bank, communication des pièces justificatives de tous débits opérés à partir du compte n° 1015109 de S.T., et ce, pour l'année 1997, outre communication des relevés du ou des comptes ouverts au nom de D.T. pour la période du 1er janvier 1997 jusqu'à la date de la réquisition ou, le cas échéant, de la clôture.

Au retour de cette délégation, le juge d'instruction a, le 2 mars 2004, fait donner par son greffier avis aux avocats des parties civiles et de l'inculpé, au dépôt de la procédure au greffe, les avisant qu'ils disposaient d'un délai de quinze jours, expirant le 17 mars 2004 au soir, pour présenter d'éventuelles demandes d'actes.

Par lettre du 24 mars 2004, reçue le 25 mars 2004, et avant toute clôture du dossier, l'avocat des parties civiles a sollicité le blocage de tous fonds des époux D.T. détenus à Monaco.

Par ordonnance du 29 mars 2004, le juge d'instruction, visant l'article 87 du Code de procédure pénale, a donné une nouvelle délégation au directeur de la Sûreté publique à l'effet de procéder à l'identification de tous les comptes bancaires ouverts dans la Principauté de Monaco au nom de D.T. et de son épouse M. G. De B., et, en cas d'identification, de faire procéder immédiatement à la saisie-conservatoire du solde de tous les éléments et attributs de ces comptes ou sous-comptes, et de se faire communiquer par l'ABN AMRO Bank copie des bordereaux des retraits d'espèces enregistrés en toutes devises sur le compte [numéro] intitulé « Lulu », entre le 6 mai 1997 et le 18 octobre 2002.

Une nouvelle délégation a été donnée le 25 mars 2005 au directeur de la Sûreté publique en complément des investigations réalisées lors des précédentes délégations, afin notamment :

- d'établir les montants, modes de crédit et dates des mouvements ayant approvisionné divers comptes de M. G. De B. ;

- de vérifier en particulier si l'origine des fonds pouvait avoir un lien avec les retraits d'espèces effectués sur le compte Lulu auprès de la banque ABN AMRO, y compris, le cas échéant, au moyen d'autres comptes de transfert ;

- et d'éclaircir, y compris par l'audition des fondés de pouvoir concernés, la raison pour laquelle les fonds déposés à l'ouverture d'un compte déterminé avaient été indiqués comme provenant du Crédit Agricole, alors que les intéressés ne seraient pas connus de cet établissement ;

Après retour de cette dernière délégation, l'avocat de l'inculpé D.T., par lettre du 15 septembre 2005, a sollicité du juge d'instruction la saisine de la Chambre du Conseil sur le fondement de l'article 209 du Code de procédure pénale, afin que cette juridiction annule la commission rogatoire du 29 mars 2004 en tant qu'elle avait constitué une réponse positive à la demande d'acte faite le 24 mars 2004 par l'avocat des parties civiles, postérieurement donc à l'expiration du délai imparti pour ce faire par l'article 178 du même code.

Le magistrat instructeur, par sa lettre susvisée du 21 septembre 2005, frappée d'appel, a rejeté cette demande aux motifs, en premier lieu, qu'à la date d'émission de sa délégation, il était toujours saisi du dossier et pouvoir donc, en application de l'article 87 du Code de procédure pénale, prendre toutes mesures qu'il estimait utiles à la manifestation de la vérité.

Le magistrat instructeur a estimé, en outre, que sa délégation critiquée n'avait pas constitué une réponse positive à une demande d'acte faite au titre de l'article 91-1 du Code de procédure pénale, puisque ce type d'acte n'entre pas dans les prévisions dudit article.

D.T. a interjeté appel de la décision ainsi contenue dans cette lettre, après que, par requête du 22 septembre 2005, son avocat eu, en vain, demandé au juge d'instruction de rendre une ordonnance conforme aux termes de cet acte, actuellement querellé, du 21 septembre 2005.

l'audience, le ministère public a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, estimant en outre que le juge d'instruction avait à juste titre déclaré également irrecevable la requête écartée par la décision entreprise.

Le conseil des parties civiles, Maître Arnaud Zabaldano, a pareillement conclu à l'irrecevabilité de l'appel en se fondant, notamment, sur la jurisprudence de la Cour.

En revanche, Maître Jean-Pierre Licari, réitérant les termes de son mémoire susvisé, régulièrement déposé le 19 octobre 2005, a conclu à l'annulation de cette même décision, subsidiairement à sa réformation et, en tout état de cause, à ce que la Chambre du conseil se saisisse de la demande d'annulation de la commission rogatoire susvisée du 29 mars 2004, et déclare, par ailleurs, le juge d'instruction tenu de statuer dans l'immédiat sur la question de prescription lui ayant été soumise.

cet effet, et après avoir rappelé le déroulement de la procédure, le conseil de l'inculpé a fait valoir que la décision critiquée du juge d'instruction, refusant de procéder à la saisine de la Chambre du Conseil pour l'appréciation de la recevabilité d'un acte de l'information, serait entachée de nullité car contraire aux droits de la défense au regard de la notion de procès équitable, incluant le principe de l'égalité des armes, telle qu'elle résulte de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Maître Jean-Pierre Licari a, par ailleurs, contesté subsidiairement quant au fond, la pertinence des motifs retenus au soutien de la décision dont est appel, estimant, notamment, que le juge d'instruction ne pouvait délivrer la commission rogatoire incriminée, dès lors qu'il était, à la date de celle-ci, juridiquement dessaisi du dossier de la procédure d'instruction ;

Maître Jean-Pierre Licari a, d'autre part, conclu à la recevabilité de son appel, bien que non expressément prévu par le Code de procédure pénale, dès lors que la Chambre du Conseil devait être saisie, par cette voie, de la question de nullité originairement soumise au premier juge, afin d'assurer en la circonstance le respect des droits de la défense et le déroulement d'un procès équitable ;

Enfin, le conseil de l'inculpé a soutenu que la prescription qu'il avait invoquée devrait désormais provoquer sans plus tarder une décision de non-lieu au bénéfice de son client ;

Sur quoi,

Considérant qu'aux termes de l'article 229 du Code de procédure pénale, l'inculpé ne peut interjeter appel que des seules ordonnances lui faisant grief que le juge d'instruction est appelé à rendre dans l'application des articles 74, 91, 91-1, 123, 183 à 185, 187, 190 et 192 dudit code ;

Considérant que l'acte actuellement critiqué par la défense ne procède, directement, de l'application d'aucun de ces textes ; d'où il ressort qu'est irrecevable l'appel dont il est l'objet ;

Considérant, toutefois, que par cet acte, le juge d'instruction, qui avait été sollicité par la défense d'examiner l'existence d'une nullité pouvant affecter une commission rogatoire par lui délivrée le 29 mars 2004, a dit n'y avoir lieu de saisir en l'occurrence la Chambre du Conseil sur le fondement de l'article 209 du Code de procédure pénale, en vue de l'appréciation par cette juridiction de la nullité prétendue ;

Considérant que l'article 205 précité dispose : « (... : s'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte de l'information encourt la nullité, il saisit la chambre du conseil aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur général et averti l'inculpé ainsi que la partie civile ;

Lorsque le procureur général estime qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction, communication de la procédure pour être transmise à la Chambre du Conseil et présente requête aux mêmes fins d'annulation, après avoir avisé lesdites parties » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seuls le juge d'instruction ou le procureur général peuvent demander à la Chambre du Conseil de prononcer une nullité, à l'exclusion de l'inculpé ;

Qu'il apparaît ainsi, corrélativement, que les droits de l'inculpé se trouvent déséquilibrés en sa défaveur, par rapport à ceux du ministère public, quant à l'exercice par ces deux parties de la faculté d'invoquer devant la Chambre du Conseil l'irrégularité de la procédure d'instruction aux fins d'annulation éventuelle d'un acte de celle-ci, une telle irrégularité ne pouvant être sollicitée directement par la défense en cours d'information ;

Considérant qu'à cet égard, les stipulations contenues à l'article 14 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui est entré en vigueur à Monaco selon Ordonnance Souveraine n° 13330 du 12 février 1998, indiquent « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... » ;

Considérant que ces normes conventionnelles doivent s'analyser comme étant directement applicables en tant qu'elles sont suffisamment précises à la fois en leur objet et en leur forme, pour être mises en œuvre dans l'ordre juridique des États sans mesures complémentaires d'exécution ;

Que les plaideurs doivent donc être admis à les invoquer utilement devant les juridictions monégasques, même à l'encontre de dispositions contraires du droit interne, ce qui leur confère ainsi un titre pour agir devant ces juridictions en vue de l'application de ces normes, tenues pour supérieures aux dispositions de ce droit ;

Qu'il doit être, en effet, rappelé, comme l'a retenu la Cour de révision judiciaire, par arrêt du 21 avril 1980, que les conventions internationales priment en droit monégasque les lois internes mêmes postérieures, ainsi que l'implique l'article 1er de la Constitution ;

Considérant, en outre, que les stipulations précitées du PIDCP sont, pour l'essentiel, analogues à celles de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH), que la Principauté a signée le 5 octobre 2004 et ratifiée le 30 novembre 2005, laquelle est donc entrée immédiatement en vigueur, comme le prévoit son article 59, § 3 ;

Considérant que cette convention, désormais incorporée dans l'ordre juridique monégasque, impose ainsi aux juridictions de la Principauté d'assurer la sanction des droits qu'elle garantit, au moyen d'une application du droit interne fondée sur les stipulations qu'elle comporte ;

Qu'il y a donc lieu de se référer, en l'occurrence, au principe d'égalité des parties dans l'exercice de leurs droits qui se déduit de la notion plus large de procès équitable, tirée de l'article 6, § 1 de la Convention ;

Considérant que, dans ces conditions, Maître Jean-Pierre Licari ayant expressément invoqué en son mémoire la nullité d'un acte de l'instruction, il convient d'octroyer à D.T., quant à la recevabilité de sa requête en nullité ainsi formulée, le bénéfice du principe d'égalité déduit des stipulations précitées, qui doit, en l'espèce, s'appliquer à la phase d'instruction en tant que celle-ci conditionne, dès lors qu'est en jeu sa régularité, le jugement ultérieur au fond que prévoient, respectivement, les articles 14 et 6, § 1 précités ;

Considérant que ce principe conduit à la recevabilité de la requête en nullité du conseil de l'inculpé D.T. tendant formellement à l'application de l'article 210 du Code de procédure pénale, la Chambre du Conseil n'en ayant pas été saisie par le procureur général, ou par le juge d'instruction, sollicité à cet effet par la défense ;

Qu'ainsi, bien que non prévue par l'article 209 du même code, ladite requête antérieurement soumise au magistrat instructeur doit être, en définitive, déclarée recevable ;

Qu'il convient donc d'examiner désormais les moyens de nullité actuellement invoqués ;

Considérant, à cet égard, que le juge d'instruction peut, dans le cadre de sa saisine, ordonner d'office l'accomplissement de tous actes d'instruction qu'il estime nécessaires à la manifestation de la vérité, ce, sur le fondement de l'article 87 du Code de procédure pénale ;

Considérant que les actes d'exécution de la commission rogatoire susvisée, qu'il a délivrée le 29 mars 2004, ne sauraient donc encourir de nullité, non plus que cette délégation elle-même, au motif invoqué par la défense qu'ils n'auraient pu être sollicités, en l'espèce, sur le fondement de l'article 91-1 du Code de procédure pénale, par suite de l'expiration du délai prévu à l'article 91-1 du Code de procédure pénale, par suite de l'expiration du délai prévu à l'article 178 dudit code ;

Qu'au demeurant ces actes pouvaient être régulièrement prescrits sur le fondement de l'article 87 précité, dès lors que le dessaisissement du magistrat instructeur ne résulte normalement que de l'ordonnance de règlement rendue par application, notamment, de l'article 214 du Code de procédure pénale, et qu'une telle ordonnance n'est pas intervenue ;

Qu'il convient donc de rejeter, en définitive, les moyens formulés par l'inculpé, tendant à la nullité de la commission rogatoire susvisée ;

Considérant, par ailleurs, que le moyen de prescription invoqué par la défense ne saurait être, actuellement, déféré valablement à la Chambre du Conseil, compte-tenu de l'irrecevabilité ci-dessus évoquée de l'appel, et des termes de l'article 91-1 du Code de procédure pénale qui n'autorisent pas cette juridiction à se substituer liminairement au magistrat instructeur dans l'appréciation du mode de clôture de son information, nonobstant une demande de non-lieu à laquelle il n'aurait pas immédiatement répondu ;

PAR CES MOTIFS ;

LA CHAMBRE DU CONSEIL ;

Déclare D.T. irrecevable en son appel de la décision susvisée du juge d'instruction du 21 septembre 2005, ainsi qu'en son moyen de prescription,

Reçoit, en revanche, la requête contenue dans le mémoire en son nom déposé par son conseil le 19 octobre 2005 tendant à l'annulation de la commission rogatoire délivrée le 29 mars 2004,

Déclare cependant cette requête non fondée, et en conséquence la rejette,

Condamne D.T. aux frais du présent arrêt.


Contentieux Judiciaire

NOTE : Cet arrêt est dans la ligne de celui rendu le 17 mai 2004 par cette même Chambre (V. Revue de Droit Monégasque, p. 160 s.) lequel s'était fondé uniquement sur l'article 14 du PIDCP.Depuis, la Principauté ayant ratifié DEDH le 30 novembre 2005, laquelle est entrée immédiatement en vigueur, la Chambre du Conseil de la Cour d'appel a pu donner à sa motivation un deuxième fondement basé sur une norme internationale proclamant en particulier le principe juridique de l'égalité des armes juridiques l'emportant sur les règles de droit interne.