Cour de révision
Monaco
03 octobre 2019
La société ACCENT DELIGHT INTERNATIONAL LIMITED, la société XITRANS LIMITED, e. R. et d. R.
c/ y. B. et t. B. épouse R. en présence du Ministère
Contentieux Judiciaire
Abstract
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Pourvoi en cassation - Recevabilité - Arrêt définitif - Dossier d'information - Accès aux pièces - Partie civile - Cassation |
Résumé
Le Ministère public et les inculpés soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi par application combinée des
articles 455, 458 et 459 du Code de procédure pénale
, au motif que l'arrêt critiqué, renvoyant l'affaire à une date ultérieure pour être statué sur la nullité des actes de procédure déférés n'a pas épuisé la juridiction dont il émane et que, non définitif, il ne peut être attaqué qu'en même temps que la décision sur le fond.
Mais l'arrêt, en ce qu'il rejette « la demande préalable des parties civiles aux fins de communication des pièces cotées D1158 et D1159 » est définitif ; d'où il suit que le pourvoi dirigé contre ce chef du dispositif est recevable.
Pour rejeter la demande préalable des parties civiles aux fins de communication des pièces cotées D1158 et D1159, l'arrêt retient que l'accès des parties civiles à certaines pièces du dossier d'information dont la régularité est discutée, est susceptible de faire l'objet de limitation par le magistrat instructeur afin de prévenir une atteinte aux droits fondamentaux d'un inculpé ou d'une tierce personne qui pourrait en résulter.
En statuant ainsi alors qu'une juridiction ne peut demander à une partie de fournir ses observations sur la validité de pièces cotées au dossier de la procédure dont elle a préalablement rejeté la demande de communication, la mettant ainsi dans l'impossibilité de participer aux débats en pleine connaissance de cause, la chambre du conseil, méconnaissant le principe de la contradiction, a violé l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
(Hors session)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué et les pièces de la procédure que lors d'une information ouverte le 24 février 2015 contre X pour escroqueries, complicité d'escroquerie au préjudice des sociétés ACCENT DELIGHT INTERNATIONAL LTD, XITRANS FINANCES LTD, de Mme e R. bénéficiaire de THE DOMUS TRUST et de M. d R. parties civiles, ainsi que de blanchiment, M. y. B. était inculpé le 28 février 2015 par le juge d'instruction de Monaco des chefs d'escroquerie et de complicité de blanchiment et Mme t. B. épouse R. de blanchiment ; que lors de leur interpellation était saisi du matériel téléphonique et informatique trouvé en leur possession ; que ce matériel faisait l'objet d'expertises ordonnées par le magistrat instructeur, à la suite desquelles étaient édités plusieurs DVD relatifs à l'extraction des données qui y étaient contenues et dont certaines ne concernaient pas selon lui l'information en cours, mais la vie privée des inculpés et de leur famille ; que, par
ordonnance du 3 août 2018
le juge d'instruction, avant d'autoriser la délivrance demandée par les parties civiles de toute copie du procès-verbal de bris et de reconstitution de scellé du 31 juillet 2018 coté D 1158 et du DVD contenant les tableaux Excel précédemment créés par la société MVE, expert et copiés par lui depuis le disque dur initialement coté D740, a, sur le fondement de l'
article 209 du code de procédure pénale
et conformément aux réquisitions du Ministère public, ordonné la transmission du dossier de la procédure à la chambre du conseil de la cour d'appel siégeant comme juridiction d'instruction sur la validité de ces deux actes d'information au regard « du principe de libre accès des parties à la procédure d'instruction semblant se heurter au principe du droit au respect de la vie privée » ; que lors de l'audience de la chambre du conseil du 8 novembre 2018, les parties civiles faisaient valoir qu'elles n'avaient pas pu prendre connaissance de ces deux pièces, considéraient qu'il ne leur était pas possible de conclure sur leur validité et en demandaient la communication ; que les conseils des inculpés s'opposaient à cette demande et sollicitaient la mise en place d'un calendrier procédural sur ce point préalable ; que, par arrêt du 28 février 2019, la chambre du conseil déclarait recevable la requête en nullité présentée par le juge d'instruction, rejetait la demande préalable des parties civiles aux fins de communication des pièces cotées D 1158 et D 1159 et ordonnait la réouverture des débats à une audience ultérieure afin que toutes les parties fournissent leurs observations sur la saisine de la chambre du conseil par le juge d'instruction ; que les parties civiles ont formé un pourvoi immédiat contre cet arrêt ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par le Ministère public et par les inculpés
Attendu que le Ministère public et les inculpés soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi par application combinée des
articles 455, 458 et 459 du code de procédure pénale
, au motif que l'arrêt critiqué, renvoyant l'affaire à une date ultérieure pour être statué sur la nullité des actes de procédure déférés n'a pas épuisé la juridiction dont il émane et que, non définitif, il ne peut être attaqué qu'en même temps que la décision sur le fond ;
Mais attendu que l'arrêt, en ce qu'il rejette « la demande préalable des parties civiles aux fins de communication des pièces cotées D1158 et D1159 » est définitif ; d'où il suit que le pourvoi dirigé contre ce chef du dispositif est recevable ;
Et sur le moyen unique pris en sa deuxième branche
Vu l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour rejeter la demande préalable des parties civiles aux fins de communication des pièces cotées D1158 et D1159, l'arrêt retient que l'accès des parties civiles à certaines pièces du dossier d'information dont la régularité est discutée, est susceptible de faire l'objet de limitation par le magistrat instructeur afin de prévenir une atteinte aux droits fondamentaux d'un inculpé ou d'une tierce personne qui pourrait en résulter ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'une juridiction ne peut demander à une partie de fournir ses observations sur la validité de pièces cotées au dossier de la procédure dont elle a préalablement rejeté la demande de communication, la mettant ainsi dans l'impossibilité de participer aux débats en pleine connaissance de cause, la chambre du conseil, méconnaissant le principe de la contradiction, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS,
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi ;
Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la chambre du conseil de la cour d'appel le 28 février 2019 ;
Renvoie la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée ; Réserve les frais de la procédure.
Contentieux Judiciaire