LégiMonaco - Cour de révision - Le Ministère public/c/ l. P.
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Cour de révision

Monaco

03 octobre 2019

Le Ministère public

c/ l. P.

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Procédure pénale - Sursis à statuer - Renvoi - Tribunal suprême-non - Garde à vue - Notification - Procès-verbal - Annulation-non - Rejet

Résumé

Monsieur P. demande à la Cour de révision de surseoir à statuer « pour renvoyer au Tribunal suprême la question de la validité de l' article 60-9 ter, alinéa 5 du Code de procédure pénale au regard des libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution, et plus particulièrement de la liberté et de la sûreté individuelles garanties par son article 19 » ; qu'il soutient que « la question est sérieuse en ce qu'une prolongation exceptionnelle d'une garde à vue pour une durée de 96 heures n'apparaît pas proportionnée à la gravité de l'infraction de blanchiment du produit d'une infraction contre les biens » ; qu'il soutient encore qu'« elle est pertinente dès lors que, de la réponse à la question posée, dépend directement la régularité de la prolongation de la garde à vue subie par Monsieur P. » ; qu'il prétend enfin que « la déclaration de non-conformité à la Constitution qui interviendra consécutivement à ce renvoi de la question vers le Tribunal suprême privera de fondement l'arrêt attaqué de sorte que la cassation s'imposera » ;

Mais il résulte tant de l'arrêt critiqué que des termes de la question que la prolongation de la garde à vue de M. P. au-delà des premières quarante-huit heures était conforme aux dispositions de la loi, en l'espèce du cinquième alinéa de l' article 60-9 ter du code de procédure pénale , seule exigence posée par le premier alinéa de l'article 19 de la Constitution ; que, la question n'étant pas sérieuse, la demande de sursis à statuer doit donc être rejetée.

Ayant relevé que le cinquième alinéa de l' article 60-9 ter du Code de procédure pénale énumère très précisément les infractions permettant la prolongation exceptionnelle de la garde à vue, ce dont il se déduit que le législateur a considéré que ces infractions, au premier rang desquelles figure le délit de blanchiment du produit d'une infraction, portent atteinte à des intérêts supérieurs dont il a décidé d'organiser la protection légale, seule exigence contenue dans le premier alinéa de l'article 19 de la Constitution, la chambre du conseil a justifié sa décision, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par les trois premières branches ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

M. P. fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation du procès-verbal de notification de sa garde à vue et des pièces subséquentes.

Mais ayant constaté qu'il résultait tant du procès-verbal de notification de la garde à vue - de par la mention de l'existence de raisons sérieuses de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre les délits punis d'emprisonnement de blanchiment du produit d'une infraction et corruption - que de celui de la première audition de la personne gardée à vue, réalisée après que celle-ci ait pu s'entretenir avec son avocat qui avait eu accès au dossier de la procédure, que l'information donnée avait été immédiate et complète, la chambre du conseil a légalement justifié sa décision d'écarter les demandes d'annulation de pièces qui lui étaient présentées ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

Et attendu qu'ayant constaté que le défaut d'information incriminé concernait le troisième avocat intervenu auprès du mis en cause depuis le début de sa garde à vue, la chambre du conseil a justement relevé qu'aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit que l'information prescrite par l'article 60-9 de ce code doive être renouvelée à chaque changement d'avocat ; qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, c'est sans méconnaître les dispositions légales que la chambre du conseil a pu écarter la demande d'annulation qui lui était présentée.

Et enfin ayant justement retenu que l' article 166 du Code de procédure pénale ne prescrit pas à peine de nullité la notification des faits objets de l'inculpation et qu'une éventuelle atteinte à l'équité de la procédure doit s'apprécier au regard de l'ensemble de celle-ci, la chambre du conseil qui a constaté que l'inculpé n'avait fait aucune déclaration lors de la notification de son inculpation, et avait ensuite été assisté de son avocat à l'occasion de tous les interrogatoires et confrontations ultérieurs, n'a violé aucun des textes visés par les moyens en écartant les annulations de pièces qui lui étaient demandées ; il s'ensuit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches.

(Hors session – Chambre du conseil - instruction)

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, et joignant les pourvois en raison de leur connexité ;

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que M. l. P. a saisi le 6 décembre 2018 la chambre du conseil de la cour d'appel statuant comme juridiction d'instruction aux fins d'annulation de la notification de la garde à vue dont il a fait l'objet et de son interrogatoire de première comparution, ainsi que des actes subséquents ; qu'il a demandé, à titre subsidiaire, qu'il soit sursis à statuer aux fins de saisine du Tribunal suprême pour voir statuer sur la conformité à la Constitution du cinquième alinéa de l' article 60-9 ter du Code de procédure pénale  ;

Que par arrêt du 16 mai 2019, la chambre du conseil a déclaré recevable la requête en nullité déposée par M. l. P. a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer aux fins de question préjudicielle et l'a débouté ; que le procureur général et M. P.se sont pourvus contre cet arrêt ;

Sur la demande de sursis à statuer

Attendu que M. P. demande à la Cour de révision de surseoir à statuer « pour renvoyer au Tribunal suprême la question de la validité de l' article 60-9 ter, alinéa 5 du Code de procédure pénale au regard des libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution, et plus particulièrement de la liberté et de la sûreté individuelles garanties par son article 19 » ; qu'il soutient que « la question est sérieuse en ce qu'une prolongation exceptionnelle d'une garde à vue pour une durée de 96 heures n'apparaît pas proportionnée à la gravité de l'infraction de blanchiment du produit d'une infraction contre les biens » ; qu'il soutient encore qu'« elle est pertinente dès lors que, de la réponse à la question posée, dépend directement la régularité de la prolongation de la garde à vue subie par Monsieur P. » ; qu'il prétend enfin que « la déclaration de non-conformité à la Constitution qui interviendra consécutivement à ce renvoi de la question vers le Tribunal suprême privera de fondement l'arrêt attaqué de sorte que la cassation s'imposera » ;

Mais attendu qu'il résulte tant de l'arrêt critiqué que des termes de la question que la prolongation de la garde à vue de M. P. au-delà des premières quarante-huit heures était conforme aux dispositions de la loi, en l'espèce du cinquième alinéa de l' article 60-9 ter du Code de procédure pénale , seule exigence posée par le premier alinéa de l'article 19 de la Constitution ; que, la question n'étant pas sérieuse, la demande de sursis à statuer doit donc être rejetée ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'inculpé

Attendu que M. P. fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de sursis à statuer alors, selon le moyen, 1° « que l'argument tiré de l'invalidité de l' article 60-9 ter, alinéa 5 du Code de procédure pénale était présenté "à titre subsidiaire" uniquement parce qu'il était de nature à entraîner l'annulation que de la seule prolongation de la garde à vue, lorsque d'autres moyens, présentés à titre principal, ouvraient la perspective d'une annulation de la totalité de cette mesure ainsi que des actes subséquents ; que dès lors que le premier moyen avait été écarté, la chambre du conseil était tenue de répondre au moyen présenté à titre subsidiaire dont l'issue dépendait directement de la validité de l'article précité au regard des libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution ; que c'est dès lors par des motifs erronés qu'elle a écarté la pertinence de la question préjudicielle » ; 2° « qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucune jurisprudence qu'une question préjudicielle doive obligatoirement être formulée à titre principal ou avant tout argument au fond dans les écritures soumises à la juridiction judiciaire ; qu'en écartant le caractère pertinent de la question qui lui était soumise en affirmant que "la formulation à titre subsidiaire par le requérant de sa question préjudicielle, révèle que de son point de vue cette question apparaît d'une importance toute relative pour la solution du litige" et que "le mode de raisonnement procédural adopté par le requérant a consisté à aborder d'emblée au principal le fond tout en hiérarchisant ses moyens de nullité en faisant prévaloir l'examen de ses autres moyens de nullité sur la question de l'appréciation de la validité de l' article 60-9 ter, alinéa 5 du Code de procédure pénale à la Constitution" la chambre du conseil a opposé à Monsieur P. une condition qui n'est pas prévue par le droit monégasque et a ainsi violé l'article 90-A 2° de la Constitution » ; 3° « qu'en outre il découle de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme que l'accès au juge ne saurait être entravé par une application excessivement formaliste des règles de procédure ; qu'en reprochant au conseil de Monsieur P. d'avoir privé la question préjudicielle de caractère pertinent en l'intégrant dans un "titre subsidiaire" des écritures, pour en conclure que cette question "n'apparaît pas digne d'être prise en considération" la chambre du conseil a fait preuve d'un formalisme excessif empêchant l'accès au Tribunal suprême et a violé les stipulations conventionnelles » ; 4° « que la question préjudicielle mettait en cause la nécessité de recourir à une prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour le blanchiment du produit d'une infraction contre les biens ; que la chambre du conseil a écarté son caractère sérieux en indiquant que "le législateur a délimité par une liste exhaustive d'infractions le recours à des mesures exceptionnelles de prolongation de garde à vue pour la personne mise en cause dans des cas limitatifs en énumérant de manière précise et restreinte les quatre catégories d'infractions susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 60-9 ter comme portant atteinte à des intérêts devant faire l'objet d'une protection légale supérieure" ; qu'en avançant pour seul motif le fait que le législateur a posé des cas limitatifs justifiant le recours à un régime dérogatoire, lorsque la question dénonçait l'absence de nécessité de recourir à un tel régime dans un des cas limitativement prévus, la chambre du conseil s'est prononcée par des considérations inopérantes et n'a pas justifié sa décision » ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le cinquième alinéa de l' article 60-9 ter du Code de procédure pénale énumère très précisément les infractions permettant la prolongation exceptionnelle de la garde à vue, ce dont il se déduit que le législateur a considéré que ces infractions, au premier rang desquelles figure le délit de blanchiment du produit d'une infraction, portent atteinte à des intérêts supérieurs dont il a décidé d'organiser la protection légale, seule exigence contenue dans le premier alinéa de l'article 19 de la Constitution, la chambre du conseil a justifié sa décision, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par les trois premières branches ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi de l'inculpé

Attendu que M. P. fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation du procès-verbal de notification de sa garde à vue et des pièces subséquentes alors, selon le moyen, 1° « qu'il résulte tant de la lettre que de la ratio de l ' article 60-5 du Code de procédure pénale que la personne gardée à vue doit recevoir immédiatement une information portant à la fois sur les faits objets des investigations sur lesquels elle a à s'expliquer (acception matérielle de l'infraction) et sur la nature de la ou des infraction(s) retenue(s) (acception juridique de l'infraction) ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions du procès-verbal de garde à vue comme des termes de l'arrêt attaqué que Monsieur P. s'est vu notifier qu'il était placé en garde à vue " en raison de l'existence de raisons sérieuses de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre les délits punis d'emprisonnement de blanchiment du produit d'une infraction et de corruption" (arrêt p. 14) ; qu'il en résulte qu'aucune information relative aux faits dans leur acception matérielle ne lui a été communiquée, en violation manifeste de la loi ; qu'en refusant de prononcer la nullité de la garde à vue, la chambre du conseil a violé les textes visés au moyen » ; 2° « qu'en jugeant, pour refuser de prononcer la nullité de la garde à vue, que l' article 60-6 du Code de procédure pénale "ne prévoit pas que l'information délivrée soit circonstanciée ni, pour les infractions de blanchiment et de corruption active, que les éléments matériels des délits soient précisés" (arrêt p. 13), lorsqu'aucune information factuelle de quelque ordre que ce soit, et notamment aucune précision quant à la date et au lieu où les faits auraient été commis, n'a été notifiée à Monsieur P. la chambre du conseil s'est prononcée par des motifs inopérants » ; 3° « que la chambre du conseil n'était pas fondée à tirer argument de ce que Monsieur P. aurait, "dès le début de l'audition (...) répondu avec précision aux questions posées par l'enquêteur" pour en déduire que cela "atteste de plus fort que son information a été immédiate et complète" (arrêt p. 14), lorsque cette circonstance, constatée a posteriori, n'est pas de nature à dispenser les policiers de leur obligation d'information, et qu'en tout état de cause, la teneur des questions posées n'était nullement de nature à éclairer sur les faits justifiant la mesure de garde à vue » ; 4° « que la chambre du conseil n'était pas non plus fondée à tirer argument de ce que le conseil ayant assisté à l'audition n'avait pas "formé d'observations quant à l'absence de connaissance par son client de l'objet de l'enquête et l'absence d'informations à ce titre par les enquêteurs" (arrêt p. 14 in fine), lorsqu'il n'incombe ni à la personne gardée à vue, ni à son conseil, de relever l'existence d'un défaut d'information pour pouvoir ultérieurement soulever la nullité de la garde à vue de ce chef, et qu'en tout état de cause, de telles observations ont bien été formulées par Maître GIACCARDI, troisième conseil intervenu au cours de la garde à vue » ; 5° « que l'article 5§2 de la Convention européenne tel qu'interprété par la CEDH consacre une garantie élémentaire obligeant à signaler à une personne faisant l'objet d'une arrestation, dans un langage simple et accessible pour elle, les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté ; que la simple mention de la base légale de l'arrestation ne répond pas à elle-seule aux besoins de cet texte ; qu'a consommé une violation de cette garantie conventionnelle la chambre du conseil qui a refusé d'annuler la garde à vue de monsieur P. lorsqu'elle constatait que ce dernier avait seulement été informé de ce qu'il était soupçonné d'avoir commis ou tenté de commettre les délits de blanchiment et de corruption, sans la moindre précision factuelle sur les faits qui lui sont reprochés » ; 6° « que c'est à tort que la chambre du conseil a jugé qu'il appartenait au requérant de "démontrer l'atteinte portée à ses droits", lorsqu'elle reconnaissait par ailleurs que les dispositions dont la violation était dénoncée "constituent des garanties substantielles des droits de la défense" (arrêt p. 15), le grief étant nécessairement présumé dans le cas où il est porté atteinte aux droits de la défense » ; 7° « qu'en tout état de cause, la chambre du conseil ne pouvait écarter l'existence d'un grief causé à Monsieur P. dès lors que, placé en garde à vue, aucune précision matérielle ne lui a été communiquée quant aux infractions de blanchiment et de corruption qu'il aurait prétendument commises, et que ce dernier a été interrogé dans le cadre de six auditions en répondant aux questions qui lui étaient posées » ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'il résultait tant du procès-verbal de notification de la garde à vue – de par la mention de l'existence de raisons sérieuses de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre les délits punis d'emprisonnement de blanchiment du produit d'une infraction et corruption – que de celui de la première audition de la personne gardée à vue, réalisée après que celle-ci ait pu s'entretenir avec son avocat qui avait eu accès au dossier de la procédure, que l'information donnée avait été immédiate et complète, la chambre du conseil a légalement justifié sa décision d'écarter les demandes d'annulation de pièces qui lui étaient présentées ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi de l'inculpé

Attendu que M. P. fait encore grief à l'arrêt de statuer de la sorte alors, selon le moyen, que « la chambre du conseil s'est prononcée par des motifs non seulement erronés mais contraires aux droits de la défense en jugeant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la garde à vue, faute d'information du conseil intervenu à partir de la prolongation de la mesure, des "circonstances de l'infraction" en violation de l' article 60-9 du Code de procédure pénale , qu'il appartiendrait "au premier avocat saisi par le mis en cause de communiquer l'information qu'il a reçue de l'officier de police judiciaire au conseil qui lui succède" (arrêt p. 15 in fine) ; qu'en effet, l'obligation d'information de la personne gardée à vue quant aux faits qu'elle est soupçonnée d'avoir commis incombe exclusivement aux autorités judiciaires et policières, et ne saurait être mise à la charge de l'avocat ; qu'il peut d'autant moins en aller ainsi lorsque ce dernier ne s'est lui-même pas vu notifier les faits pour lesquels son client a été placé en garde à vue » ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le défaut d'information incriminé concernait le troisième avocat intervenu auprès du mis en cause depuis le début de sa garde à vue, la chambre du conseil a justement relevé qu'aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit que l'information prescrite par l'article 60-9 de ce code doive être renouvelée à chaque changement d'avocat ; qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, c'est sans méconnaître les dispositions légales que la chambre du conseil a pu écarter la demande d'annulation qui lui était présentée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi de l'inculpé et les deux moyens de celui du procureur général qui critiquent le même élément du dispositif

Attendu que M. P. fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de l'interrogatoire de première comparution et des pièces subséquentes alors, selon le moyen, 1° « qu'il résulte de l' article 166 du Code de procédure pénale que le juge d'instruction doit faire connaître à l'inculpé, lors de la première comparution " les faits qui lui sont imputés" ; que par ailleurs, l'article 6§3 de la Convention européenne impose que la personne mise en cause soit officiellement avisée de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre elle au moment de son "accusation" ; qu'en refusant d'annuler l'inculpation de Monsieur P. lorsqu'il ressort des termes du procès-verbal de première comparution reproduite dans l'arrêt attaqué que ce dernier n'a reçu qu'une information quant aux qualifications juridiques retenues, à l'exclusion de toute précision factuelle, en se bornant à affirmer que les prescriptions légales "n'exigent pas que soient consignés dans le procès-verbal les éléments constitutifs des faits visés" (arrêt p. 19 in fine), la chambre du conseil a méconnu les exigences précitées » ; 2° « que c'est à tort et en méconnaissance des droits de la défense que la chambre du conseil a cru pouvoir avancer que "la reconnaissance expresse par l'inculpé, consignée dans le procès-verbal de première comparution, que les faits fondant son inculpation lui ont été notifiés par le juge démontre également qu'il a été satisfait aux prescriptions de l'article 166 précité et que l'information sur l'accusation dont il fait l'objet a été suffisante" (arrêt p. 20§1), lorsqu'une telle reconnaissance ne saurait valoir renonciation de l'inculpé à se prévaloir d'une irrégularité tenant au contenu de l'information, notamment lorsque celle-ci est insuffisante, et a fortiori lorsque cette notification intervient hors la présence de l'avocat comme c'est le cas en application de l' article 166 du Code de procédure pénale  » ; 3° « que la chambre du conseil n'était pas fondée à écarter une violation de l'article 6§3 de la Convention européenne au motif que Monsieur P. a été ultérieurement au cours de l'information, assisté d'un avocat, et a pu accéder au dossier, lorsqu'il ressort des termes de sa décision que tant au moment du placement en garde à vue que lors de l'inculpation, ce dernier n'a reçu, excepté les qualifications juridiques retenues, aucune information sur les faits qui lui étaient reprochés, ce qui a consommé une violation irrémédiable des droits de la défense » ;

Que le procureur général fait à l'arrêt critiqué le même grief alors, selon le premier moyen, que « l'article 166 décrit très précisément les obligations du juge d'instruction lorsque ce magistrat inculpe une personne : après avoir constaté l'identité de l'inculpé, il lui fait connaître les faits qui lui sont imputés – et non leur qualification juridique – reçoit ses déclarations, après l'avoir averti qu'il est libre de ne pas en faire et donne avis à l'inculpé qu'il a le droit d'être assisté de l'avocat de son choix ou un avocat commis d'office ; que la vérification de l'identité de l'intéressé et son information sur les faits s'imposent en ce qu'elles constituent le socle de l'acte d'inculpation lui-même et justifient la volonté du juge d'instruction de modifier le statut de la personne à l'encontre de laquelle il dispose de soupçons, voire d'indices graves et de lui permettre d'avoir accès au dossier par le truchement de son avocat ; la précision apportée par l' article 166 du Code de procédure pénale sur les formalités prescrites à peine de nullité ne peut donc être considérée comme la démonstration de la régularité de l'inculpation, en l'absence de vérification de l'identité et notification des faits ; prétendre le contraire reviendrait à admettre que l'inculpation peut se limiter à l'information relative au droit au silence et au choix d'un avocat ; que toute violation de l'obligation de notifier les faits porte donc nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; il apparaît en effet que celle-ci qui, en droit monégasque, n'est pas assistée d'un avocat, n'a pas eu accès au dossier et qui, à l'issue de l'inculpation, peut se voir placer sous contrôle judiciaire ou même sous mandat d'arrêt, hors le cadre d'un débat contradictoire, doit être mise en mesure de connaître les faits qui lui sont reprochés, leur nature, leur étendue et leur portée, et pas seulement leur qualification juridique ; que la notification des faits ne peut donc s'analyser que comme une formalité substantielle, dont la violation est sanctionnée par la nullité (article 207 du Code de procédure pénale ) ; que l' article 83 du Code de procédure pénale énonce en effet que les réquisitions du procureur général devront être datées, signées et spécifier le fait incriminé, ainsi que les articles de la loi applicables et il est incontestable que le magistrat instructeur est saisi 'in rem' ; ces évidences ne peuvent toutefois ni expliquer ni justifier que le juge d'instruction se soit contenté de reprendre les seules qualifications juridiques retenues par le ministère public dans un réquisitoire introductif et des réquisitoires supplétifs, en y ajoutant simplement les termes généraux des dispositions du Code pénal et en s'exonérant de décrire concrètement les faits commis par l'inculpé justifiant son inculpation, et dont l'enquête qu'il mène ont révélé l'existence ou l'étendue et permis le recueil des preuves ; que les auditions effectuées par la police ne sont pas de nature à pallier l'insuffisance de la notification effectuée par le juge d'instruction, dès lors que ce dernier peut limiter l'inculpation à une partie seulement des faits sur lesquels le gardé à vue a été amené à s'expliquer ; que la formule stéréotypée "je prends acte de l'inculpation que vous me notifiez et m'expliquerai ultérieurement sur les faits qui me sont imputés et dont vous me donnez connaissance" n'est pas de nature à pallier l'insuffisance des éléments effectivement notifiés à l'inculpé ainsi qu'il ressort de la mention portée au procès-verbal par le juge d'instruction "nous lui faisons connaître qu'en application des réquisitoires introductif et supplétifs de monsieur le procureur général en date des 13 novembre 2015, 26 février 2016 et 10 mars 2016, il est inculpé de... "plusieurs infractions dont seule la qualification développée lui a été communiquée..." ; qu'en l'espèce en estimant que l'inculpation de monsieur P.est régulière, la chambre du conseil a violé les textes susvisés » ; et alors, selon le deuxième moyen « qu'en vertu de l'article 6§3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'aux termes de l'article 6§3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit notamment à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que l'article 6§3 c) de la Convention européenne des droits de l'homme, énonce que tout accusé a droit notamment à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; qu'ainsi que le reconnaît la cour d'appel, l'inculpé a la qualité d'accusé au sens de la Convention ; que s'il est exact que la portée des dispositions doit s'apprécier à la lumière du droit plus général à un procès équitable, il n'en reste pas moins vrai qu'il existe un lien entre les alinéas a) et b) de l'article 6§3 ; que le droit à être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit en effet être envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense ; qu'en l'espèce, l'information dont dispose l'inculpé qui n'a pas accès au dossier et qui se voit notifier des qualifications juridiques, et non pas des faits, est évidemment insuffisante pour lui permettre de préparer sa défense ; qu'il convient de rappeler à cet égard que le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable et qu'en principe tout suspect doit avoir accès à un avocat dès lors qu'il est visé par une "accusation en matière pénale" ; qu'il est non moins constant que toute renonciation alléguée au droit d'accès à un avocat doit satisfaire, selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, au critère de la "renonciation consciente et éclairée" le suspect n'étant considéré comme ayant valablement renoncé à l'assistance d'un avocat que lorsque ses droits d'accès à un avocat lui ont été régulièrement notifiés ; que le fait que l'inculpé ait exercé son droit au silence devant le juge d'instruction ne saurait à lui seul justifier la violation des dispositions de l'article 6§3 c) ; que c'est d'ailleurs en considération des exigences résultant de l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme que la loi monégasque énonce que la personne gardée à vue a le droit de bénéficier d'un avocat dès le début de la garde à vue et que doit lui être notifié le droit de ne faire aucune déclaration ; qu'en l'espèce, la décision de la chambre du conseil de la cour d'appel, qui a estimé que Monsieur P. a bénéficié des droits dus à un "accusé", soit à une information sur la nature et la cause de l'accusation portée contre lui et la possibilité d'exercer les droits de la défense, dès après son inculpation, encourt de ce seul chef l'annulation » ;

Mais attendu qu'ayant justement retenu que l' article 166 du Code de procédure pénale ne prescrit pas à peine de nullité la notification des faits objets de l'inculpation et qu'une éventuelle atteinte à l'équité de la procédure doit s'apprécier au regard de l'ensemble de celle-ci, la chambre du conseil qui a constaté que l'inculpé n'avait fait aucune déclaration lors de la notification de son inculpation, et avait ensuite été assisté de son avocat à l'occasion de tous les interrogatoires et confrontations ultérieurs, n'a violé aucun des textes visés par les moyens en écartant les annulations de pièces qui lui étaient demandées ; qu'il s'ensuit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS,

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ; Rejette les pourvois ;

Dit que les frais seront partagés par moitié.


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