La société luxembourgeoise SOLIDUS LUXEMBOURG S.A.
c/ la société Anonyme de droit luxembourgeois dénommée WA. YACHTS S.A. et Maître Alain RU.
La cour d'appel, après avoir relevé l'absence de convention d'assistance judiciaire entre la Principauté de Monaco et le Grand-duché de Luxembourg, s'est référée à deux certificats de coutume luxembourgeois, desquels il résulte que, pour recevoir exécution en Grand-duché, la décision étrangère, sans faire pour autant l'objet d'un examen au fond, doit remplir diverses conditions qu'elle énumère ; qu'ayant ainsi constaté la réciprocité requise par l'alinéa 1er de l'article 473, et vérifié, conformément à l'alinéa 2 du même article, la régularité formelle des jugements, la compétence locale de la juridiction qui les avaient rendus, sans opposition avec la loi monégasque, la citation régulière des parties, la faculté pour elles de se défendre, la force de chose jugée des décisions, leur caractère exécutoire en Grand-duché et leur absence de contradiction à l'ordre public monégasque, la cour a retenu à bon droit que les conditions d'exequatur des jugements rendu étaient réunies ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Il résulte des jugements produits, auxquels se réfère l'arrêt déféré, que le tribunal luxembourgeois avait écarté l'application de la clause compromissoire invoquée et retenu sa propre compétence ; d'où il suit que la décision est légalement justifiée.
(en session civile)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué et les pièces du dossier que, par l'effet d'engagements souscrits en 2009 et 2010, la société anonyme luxembourgeoise WA. YACHTS était débitrice de diverses sommes envers la société anonyme luxembourgeoise SOLIDUS LUXEMBOURG et la société des îles vierges britanniques ARCHIMEDIA ; que, par jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg en date du 23 décembre 2013, numéro de rôle 157 715, elle a été déclarée en état de faillite ; que, sur tierce opposition présentée par la société SOLIDUS LUXEMBOURG, le tribunal d'arrondissement, par jugement du 26 mai 2014, numéros de rôle 160 247 et 160 828, a jugé le recours non fondé, et dit que le premier jugement serait maintenu et produirait ses entiers effets ; que, la société WA. YACHTS SA étant par ailleurs détentrice de la quasi-totalité des actions de la société monégasque SAM WA., Maître RU., curateur de la société en faillite et représentant de la masse de ses créanciers, a, par
acte du 12 avril 2016
, assigné celle-ci en Principauté, en présence du procureur général, aux fins d'y faire déclarer exécutoires les deux jugements luxembourgeois ; que par jugement en date du 1er décembre 2016, le tribunal de première instance de Monaco, après avoir dit recevables les interventions volontaires des deux sociétés SOLIDUS LUXEMBOURG et ARCHIMEDIA, a accueilli la demande ; que, sur l'appel de la société Solidus Luxembourg, et en présence du Ministère public et des sociétés ARCHIMEDIA et SAM WA., la cour d'appel, par arrêt du 29 septembre 2017, écartant le moyen tiré de l'invocation d'une clause compromissoire liant les sociétés WA. YACHTS SA et ARCHIMEDIA, a confirmé la décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Attendu que la société SOLIDUS LUXEMBOURG SA reproche à l'arrêt de déclarer exécutoire en principauté les jugements rendus par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg les 23 décembre 2013 et 26 mai 2014, alors, selon le moyen, que, « suivant l'
article 473 du Code de procédure civile
, alors applicable au litige, l'exécution des jugements étrangers sera autorisée sans examen au fond, si la réciprocité est admise par la loi du pays où le jugement a été rendu ; que dans ses écritures d'appel, la société Solidus a rappelé que, suivant le certificat de coutume versé aux débats, le juge du Luxembourg, pour accorder l'exequatur vérifie si la décision étrangère émane d'une juridiction internationalement compétente d'après les règles luxembourgeoises de répartition de la compétence sur le plan international » et « s'il n'y avait pas en la matière jugée une compétence exclusive des juridictions luxembourgeoises » ; qu'elle faisait valoir que ce point est diamétralement opposé à l'
article 473, 2° du Code de procédure civile
monégasque, suivant lequel il revient seulement au juge monégasque d'examiner si le jugement étranger « émane d'une juridiction compétente d'après la loi locale, sans qu'il y ait opposition avec la loi monégasque » ; qu'ainsi le juge monégasque vérifie seulement si le tribunal qui a statué était compétent en application de son propre droit, tandis que le juge luxembourgeois vérifie la compétence du tribunal en application non du droit local, mais des règles luxembourgeoises de répartition des compétences ; que la cour d'appel a refusé de retenir le moyen tiré d'une absence de réciprocité, après avoir pourtant relevé qu'il appartient au juge luxembourgeois de vérifier que la loi étrangère émane d'une juridiction internationalement compétente au regard des règles luxembourgeoises et que le juge monégasque contrôle que la décision émane bien d'une juridiction étrangère compétente selon la loi locale, sans qu'il y ait d'opposition avec la loi monégasque ; qu'il en résultait pourtant que l'absence de réciprocité, découlant de ce que le juge monégasque s'en remet à la règle de conflit du for d'où émane le jugement étranger tandis que le juge luxembourgeois applique la règle de conflit de son propre for ; que la cour d'appel a donc violé l'
article 473 du Code de procédure civile
monégasque , alors applicable au litige » ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé l'absence de convention d'assistance judiciaire entre la Principauté de Monaco et le Grand-duché de Luxembourg, s'est référée à deux certificats de coutume luxembourgeois, desquels il résulte que, pour recevoir exécution en Grand-duché, la décision étrangère, sans faire pour autant l'objet d'un examen au fond, doit remplir diverses conditions qu'elle énumère ; qu'ayant ainsi constaté la réciprocité requise par l'alinéa 1er de l'article 473, et vérifié, conformément à l'alinéa 2 du même article, la régularité formelle des jugements, la compétence locale de la juridiction qui les avaient rendus, sans opposition avec la loi monégasque, la citation régulière des parties, la faculté pour elles de se défendre, la force de chose jugée des décisions, leur caractère exécutoire en Grand-duché et leur absence de contradiction à l'ordre public monégasque, la cour a retenu à bon droit que les conditions d'exequatur des jugements rendu étaient réunies ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur les deuxième et troisième branches réunies
Attendu qu'il est aussi fait grief à l'arrêt de statuer ainsi qu'il le fait, alors que, « suivant l'
article 473, 2° du Code de procédure civile
monégasque, applicable au litige, le juge de l'exequatur doit examiner si le jugement étranger émane d'une juridiction compétente d'après la loi locale ; que les arbitres ont compétence prioritaire pour statuer sur leur propre compétence ; que dans ses écritures d'appel, la société Solidus a exposé que la société Archimedia avait, le 2 octobre 2013, assigné en faillite la société WA. Yachts, pour défaut de paiement de sa créance, née, le 3 novembre 2010, de la souscription de 240.000 obligations convertibles et a invoqué la clause d'arbitrage stipulée dans l'acte relatif aux conditions d'émission de ces obligations ; qu'elle faisait valoir, à cet égard, que le droit luxembourgeois, aussi bien que le droit monégasque, admettent que la clause compromissoire a pour effet de retirer leur pouvoir de juridiction aux tribunaux normalement compétents, de sorte que la juridiction du Luxembourg en faisant droit à la demande de la société Archimedia avait méconnu la clause d'arbitrage dans sa décision de faillite du 23 décembre 2013 ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen tiré de l'incompétence du juge étatique luxembourgeois, que malgré ce moyen déjà soulevé devant la juridiction luxembourgeoise par la société WA. Yachts SA, les magistrats luxembourgeois ont retenu leur compétence, la cour d'appel, qui a refusé d'exercer les pouvoirs qu'elle tient de la disposition susvisée, l'a nécessairement violée, et alors enfin, que, suivant l'article 473, 2° du Code de procédure monégasque, applicable au litige, le juge de l'exequatur doit examiner si le jugement étranger émane d'une juridiction compétente selon la loi locale ; que les arbitres ont compétence prioritaire pour statuer sur leur propre compétence ; que dans ses écritures d'appel, la société Solidus a exposé que la société Archimedia avait, le 2 octobre 2013, assigné en faillite la société WA. Yachts, pour défaut de paiement de sa créance, née, le 3 novembre 2010, de la souscription de 240.000 obligations convertibles et a invoqué la clause d'arbitrage stipulée dans l'acte relatif aux conditions d'émission de ces obligations ; qu'elle faisait valoir, à cet égard, que le droit luxembourgeois, aussi bien que le droit monégasque, admettent que la clause compromissoire a pour effet de retirer leur pouvoir de juridiction aux tribunaux normalement compétents, de sorte que la juridiction du Luxembourg en faisant droit à la demande de la société Archimedia avait méconnu la clause d'arbitrage dans sa décision de faillite du 23 décembre 2013 ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen tiré de l'incompétence du juge étatique luxembourgeois, que malgré ce moyen déjà soulevé devant la juridiction luxembourgeoise par la société WA. Yachts SA, les magistrats luxembourgeois ont retenu leur compétence, sans autrement examiner ce moyen, ni se prononcer sur les conséquences de la clause d'arbitrage litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée » ;
Mais attendu qu'il résulte des jugements produits, auxquels se réfère l'arrêt déféré, que le tribunal luxembourgeois avait écarté l'application de la clause compromissoire invoquée et retenu sa propre compétence ; d'où il suit que la décision est légalement justifiée ;
Et sur la demande de la société WA. YACHTS S.A. et de Maître RU. en condamnation de la société Solidus Luxembourgeois SA à leur payer 10.000 euros de dommages-intérêts
Attendu que la société WA. YACHTS S.A. et Maître RU. sollicitent la condamnation de la société SOLIDUS LUXEMBOURG SA à leur payer 10.000 euros de dommages-intérêts par application de l'
article 459-4 du Code de procédure civile
;
Mais attendu qu'au regard des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
- Rejette la demande de dommages-intérêts formulée par de la société WA. YACHTS S.A. et Maître Alain RU. ;
- Condamne la société SOLIDUS LUXEMBOURG SA aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.