LégiMonaco - Cour de révision - La société dénommée SCS P.et Cie/c/ l'État de Monaco
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Cour de révision

Monaco

08 juillet 2020

La société dénommée SCS P.et Cie

c/ l'État de Monaco

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Révision - Réplique - Duplique - Procédure d'urgence - Recevabilité–non - État - Convention d'occupation précaire - Tribunal suprême - Autorité de la chose jugée

Résumé

L'État de Monaco conteste la recevabilité du pourvoi introduit par la société PE au motif en premier lieu, que la signification de la requête en révision fait état d'une domiciliation de ladite société différente de celle figurant dans la requête elle-même et, en second lieu, que le même exploit fait figurer M. a. P. comme gérant de la société PE, alors que cette dernière a fait l'objet d'une dissolution anticipée.

En premier lieu, la différence d'adresse alléguée du siège social de la société PE entre d'une part, la requête en révision et, d'autre part, sa signification est sans incidence dès lors que ladite société a fait élection de domicile au cabinet d'un avocat défenseur monégasque ; qu'en second lieu, M. a. P. désigné comme liquidateur de la société dans le répertoire du commerce et de l'industrie, a bien été visé dans l'exploit de signification ; la fin de non-recevoir sera donc écartée.

En vertu de l' article 453 du Code de procédure civile , le dépôt d'une réplique sommaire n'est autorisé que pour les procédures relevant de la procédure d'urgence, prévue par les articles 458 et 459 dudit code ; que la présente procédure ne relevant pas de l'urgence, les réplique et duplique déposées les 28 janvier et 4 février 2020 doivent être déclarées irrecevables.

Après avoir exactement énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'en application des dispositions de l'article 90-B de la Constitution monégasque, le Tribunal suprême statue souverainement sur les recours en annulation pour excès de pouvoir, la cour d'appel a décidé à bon droit, et sans commettre un déni de justice, qu'elle n'était pas compétente pour connaître de la demande d'annulation introduite par la société PE, uniquement susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; d'autre part, qu'ayant constaté que la société PE avait déjà été déboutée de sa demande en indemnisation par un précédent arrêt du 17 juin 2014, ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de révision le 5 mars 2015, ladite société ne pouvant se prévaloir d'un préjudice quand l'État donne en location son domaine public par nature aux termes d'une convention d'occupation précaire non renouvelable, elle en a exactement déduit que, fondées sur la même cause à l'égard des mêmes parties sur lesquelles il avait déjà été statué, les demandes formées par la société PE dans le cadre de la présente instance se heurtaient à l'autorité de la chose jugée et devaient être déclarées irrecevables.

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

(en session civile)

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 décembre 2001, l'État de Monaco a conclu avec la société en commandite simple de droit monégasque dénommée SCS P.& CIE (la société PE) une convention d'occupation précaire d'une parcelle et de locaux dépendant du domaine public de l'État aux fins d'exercer une activité de bar-restaurant, convention renouvelée pour une durée de trois ans à compter du 31 octobre 2004, le terme étant à nouveau prorogé jusqu'au 30 juin 2008 ; qu'à la date du 30 avril 2008, l'État de Monaco a refusé le renouvellement de la convention et demandé l'expulsion de la société PE ; que, par arrêt du 5 mars 2015, la Cour de révision a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2014 ayant décidé que la loi n° 490 du 24 novembre 1948 relative aux baux commerciaux n'était pas applicable au domaine public de l'État, dont dépendent les lieux loués à la société PE, laquelle ne pouvait dès lors prétendre ni au renouvellement de la convention d'occupation précaire, ni au paiement d'une indemnité d'éviction et a ordonné l'expulsion de ladite société ; que, le 22 décembre 2016, la société PE a fait assigner devant le tribunal de première instance l'État de Monaco à l'effet de voir annuler la décision de refus de renouvellement du 30 avril 2008 et d'être indemnisée du préjudice qu'elle aurait subi ; que, le 4 octobre 2018, ladite juridiction s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'annulation et a déclaré la société PE irrecevable en ses demandes d'indemnisation ; que, par arrêt du 26 septembre 2019, la cour d'appel a confirmé ce jugement ; que la société PE a formé un pourvoi contre cette décision ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

Attendu que l'État de Monaco conteste la recevabilité du pourvoi introduit par la société PE au motif en premier lieu, que la signification de la requête en révision fait état d'une domiciliation de ladite société différente de celle figurant dans la requête elle-même et, en second lieu, que le même exploit fait figurer M. a. P. comme gérant de la société PE, alors que cette dernière a fait l'objet d'une dissolution anticipée ;

Mais attendu en premier lieu, que la différence d'adresse alléguée du siège social de la société PE entre d'une part, la requête en révision et, d'autre part, sa signification est sans incidence dès lors que ladite société a fait élection de domicile au cabinet d'un avocat défenseur monégasque ; qu'en second lieu, M. a. P. désigné comme liquidateur de la société dans le répertoire du commerce et de l'industrie, a bien été visé dans l'exploit de signification ;

Que la fin de non-recevoir sera donc écartée ;

Sur la recevabilité des réplique et duplique déposées par la SCS P.& CIE et par l'État de Monaco

Attendu qu'en vertu de l' article 453 du Code de procédure civile , le dépôt d'une réplique sommaire n'est autorisé que pour les procédures relevant de la procédure d'urgence, prévue par les articles 458 et 459 dudit code ; que la présente procédure ne relevant pas de l'urgence, les réplique et duplique déposées les 28 janvier et 4 février 2020 doivent être déclarées irrecevables ;

Sur le moyen unique du pourvoi, pris en ses quatre branches

Attendu que la société PE fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il se déclare incompétent pour statuer sur la demande d'annulation de la décision du 30 avril 2008 et juge irrecevable la demande d'indemnisation présentée par ladite société alors, selon le pourvoi, de première part « que le Tribunal Suprême, saisi le 31 juillet 2015 par la SCS P.& CIE d'une demande tendant, à titre principal, à être jugée titulaire d'une convention d'occupation domaniale, tacitement renouvelée au 30 juin 2008, et par voie de conséquence à être autorisée à se rétablir dans les lieux pour y reprendre l'exploitation de son fonds de commerce, tout en sollicitant subsidiairement l'indemnisation de son préjudice, s'est déclaré incompétent par décision en date du 28 juin 2016 » ; alors de deuxième part, « qu'en application de l' article 21-2 du Code de procédure civile , le Tribunal de première instance connaît "comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal suprême ou à une autre juridiction" » ; alors, de troisième part, « que l'Article 90 B de la Constitution prévoit dispose qu'"en matière administrative, le Tribunal Suprême statue souverainement :

1) sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent ; 2) sur les recours en cassation formés contre les décisions des juridictions administratives statuant en dernier ressort ; 3) sur les recours en interprétation et les recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et des ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois" » et alors, enfin, « que la SCS P.& CIE a subi un préjudice qu'elle essaye depuis plusieurs années de faire réparer par la justice monégasque, tandis que les deux juridictions compétentes pour ce type de litige ont chacune décliné leur compétence, en sorte que leurs décisions respectives s'en trouvent inconciliables et aboutissent à un déni de justice » ;

Mais attendu d'une part, qu'après avoir exactement énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'en application des dispositions de l'article 90-B de la Constitution monégasque, le Tribunal suprême statue souverainement sur les recours en annulation pour excès de pouvoir, la cour d'appel a décidé à bon droit, et sans commettre un déni de justice, qu'elle n'était pas compétente pour connaître de la demande d'annulation introduite par la société PE, uniquement susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; d'autre part, qu'ayant constaté que la société PE avait déjà été déboutée de sa demande en indemnisation par un précédent arrêt du 17 juin 2014, ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de révision le 5 mars 2015, ladite société ne pouvant se prévaloir d'un préjudice quand l'État donne en location son domaine public par nature aux termes d'une convention d'occupation précaire non renouvelable, elle en a exactement déduit que, fondées sur la même cause à l'égard des mêmes parties sur lesquelles il avait déjà été statué, les demandes formées par la société PE dans le cadre de la présente instance se heurtaient à l'autorité de la chose jugée et devaient être déclarées irrecevables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande de dommages-intérêts formée par l'État de Monaco

Attendu que l'État de Monaco sollicite la condamnation de la société PE au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il résulte des éléments énoncés ci-dessus qu'en exerçant le présent recours contre une décision justement et précisément motivée, la société PE a abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il y a lieu de la condamner au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 1.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevable le pourvoi formé par la SCS P.& CIE,

Dit irrecevables les duplique et réplique déposées respectivement le 28 janvier 2020 par la SCS P.ET CIE et le 4 février 2020 par l'ÉTAT DE MONACO,

Rejette le pourvoi,

Condamne la SCS P.& CIE à la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au profit de l'État de Monaco,

Condamne la SCS P.& CIE aux dépens, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur, sous sa due affirmation.


Contentieux Judiciaire