LégiMonaco - Cour de révision - SAM Monte-Carlo Protection Privée/c/ F.
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Cour de révision

Monaco

M. APOLLOS prem. prés, M. DUMAS rap. Mme PETIT et M. JOLY cons. Mme BARDY gref en chef - Mes SBARRATO et PASTOR BENSA av. chef.

25 novembre 2010

SAM Monte-Carlo Protection Privée

c/ F.

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Pourvoi en révision
  Formé contre un jugement du tribunal statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail : application des dispositions de la loi n° 446 du 16 mai 1946
  - Pièces adressées à la Cour de révision au delà du délai de 15 jours de la signification du pourvoi, imparti par l'article 66 de la loi n° 446 ;
  - Recevabilité du pourvoi la règle de l'article 66 n'étant pas prescrite à peine d'irrecevabilité.

Résumé

M. F., agent de sécurité, a demandé à son employeur, la société Monte-Carlo Protection Privée, de lui payer des rappels de salaires et d'indemnités de congés payés y afférentes pour la période du 1er septembre 2000 au 31 mars 2003, en invoquant le principe de parité des salaires minima de la Principauté et de ceux de la région économique voisine, énoncé dans l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée par la loi n° 1.068 du 28 décembre 1983, ainsi que dans l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 fixant les taux minima des salaires dont l'article 1er a été modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984 ; que le tribunal du travail a rejeté ces demandes, mais que celles-ci ont été accueillies par le tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel ; que la société Monte-Carlo Protection Privée a formé un pourvoi en révision contre le jugement du Tribunal de première instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par M. F. ;

M. F. fait valoir que les pièces produites par le demandeur au pourvoi n'ont été adressées à la Cour de révision que le 21 mai 2010 alors qu'elles auraient du l'être avant le 10 mai, soit dans les quinze jours de la signification du pourvoi faite le 23 avril, comme le prescrit l'article 66 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création d'un Tribunal du travail ;

L'article 67, alinéa 2, de la loi du 16 mai 1946 dispose que les pourvois en révision contre les jugements du tribunal ayant statué sur appel de jugements du tribunal du travail sont soumis aux règles des articles 64, 65 et 66 de cette loi et que l'article 66 prévoit que les pièces sont adressées à la cour de révision dans les quinze jours de la notification du jugement attaqué ;

Si, en l'espèce, les pièces ont été déposées au greffe général à l'intention de la cour de révision plus de quinze jours après la notification du jugement, la règle édictée par l'article 66 susvisé, qui a pour objet de fixer le point de départ du délai d'un mois dans lequel la Cour de révision doit statuer, n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité du pourvoi ; que l'exception invoquée sera donc rejetée.

(en matière de droit du travail)

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que M. F., agent de sécurité, a demandé à son employeur, la société Monte-Carlo Protection Privée, de lui payer des rappels de salaires et d'indemnités de congés payés y afférentes pour la période du 1er septembre 2000 au 31 mars 2003, en invoquant le principe de parité des salaires minima de la Principauté et de ceux de la région économique voisine, énoncé dans l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, modifiée par la loi n° 1068 du 28 décembre 1983, ainsi que dans l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 fixant les taux minima des salaires dont l'article 1er a été modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984 ; que le tribunal du travail a rejeté ces demandes, mais que celles-ci ont été accueillies par le tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel ; que la société Monte-Carlo Protection Privée a formé un pourvoi en révision contre le jugement du Tribunal de première instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par M. F. :

Attendu que M. F. fait valoir que les pièces produites par le demandeur au pourvoi n'ont été adressées à la Cour de révision que le 21 mai 2010 alors qu'elles auraient du l'être avant le 10 mai, soit dans les quinze jours de la signification du pourvoi faite le 23 avril, comme le prescrit l'article 66 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création d'un Tribunal du travail ;

Attendu que l'article 67, alinéa 2, de la loi du 16 mai 1946 dispose que les pourvois en révision contre les jugements du tribunal ayant statué sur appel de jugements du Tribunal du travail sont soumis aux règles des articles 64, 65 et 66 de cette loi et que l'article 66 prévoit que les pièces sont adressées à la Cour de révision dans les quinze jours de la notification du jugement attaqué ;

Attendu que si, en l'espèce, les pièces ont été déposées au greffe général à l'intention de la Cour de révision plus de quinze jours après la notification du jugement, la règle édictée par l'article 66 susvisé, qui a pour objet de fixer le point de départ du délai d'un mois dans lequel la Cour de révision doit statuer, n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité du pourvoi ; que l'exception invoquée sera donc rejetée ;

Sur la demande de rejet de pièces :

Attendu que M. F. demande à la Cour de révision de ne prendre en considération que les seules pièces qui sont annexées à la requête en révision, à l'exclusion des dispositions légales et conventionnelles françaises sur lesquelles le demandeur au pourvoi fonde son argumentation ;

Mais attendu que la société Monte-Carlo Protection Privée n'ayant pas produit d'autres pièces que celles qui sont annexées à sa requête en révision, la demande de M. F. est sans objet et ne peut donc être accueillie ;

Sur la demande tendant à constater l'irrecevabilité de la quatrième branche du moyen :

Attendu que M. F. fait valoir que le quatrième grief doit être déclaré irrecevable en ce qu'il invoque la violation d'une loi étrangère et de ses deux décrets d'application ;

Mais attendu que le moyen invoqué à l'appui de cette fin de non recevoir est inopérant dès lors que le demandeur se fonde également sur la violation de la loi monégasque du 16 mars 1963 sur le salaire modifiée ;

Sur le moyen unique du pourvoi, pris en sa première branche :

Vu l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, modifié par la loi n° 1068 du 28 décembre 1983, ensemble l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 fixant les taux minima des salaires, modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984

Attendu qu'il résulte des textes susvisés que les minima des salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail doivent être au moins égaux à ceux pratiqués en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour des conditions de travail identiques, dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine et qu'il ne doit pas être tenu compte des modifications qui, dans cette région, affectent le salaire, soit directement soit indirectement en raison de changements intervenus dans la durée du travail lorsque ces modifications trouvent leur cause dans des accords passés par les employeurs avec des contractants autres que leurs salariés ou leurs syndicats ;

Attendu que, pour condamner la société Monte-Carlo Protection Privée à payer à M. F. diverses sommes au titre de rappel de salaire, de complément d'indemnité de congés payés, d'indemnité exceptionnelle de 5 %, d'intérêts au taux légal et de dommages et intérêts, le jugement critiqué énonce que l'existence de montants minima en Principauté n'est pas subordonnée à l'existence effective dans la région de référence d'emplois de même nature et exercés dans des conditions de travail identiques et que la référence faite à des conditions de travail identiques, comme celle faite aux mêmes professions, commerces ou industries, n'étant pas une condition mais une modalité d'application de la loi, il ne peut être exigé du salarié prétendant au bénéfice de l'article 11 de la loi n° 739 qu'il démontre l'existence effective dans le département français des Alpes-Maritimes de salariés exerçant la même profession que lui et bénéficiant de conditions de travail identiques ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence de conditions de travail identiques à Monaco et dans la région économique de référence est une condition d'application du principe de parité des salaires, le tribunal de première instance a violé les textes susvisés ;

Et sur la cinquième branche du moyen :

Attendu que la cassation à intervenir entraînera, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions du jugement critiqué autres que celles qui confirment le jugement rendu par le Tribunal du travail le 28 avril 2005 et celui en date du 29 mars 2007 en ce qu'il a condamné la société Monte-Carlo Protection Privée à payer à M. F. la somme complémentaire de 12,16 euros ;

Par ces motifs,

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi ;

– Déclare le pourvoi recevable,

– Déclare sans objet la demande de rejet de pièces présentée par M. F.,

– Casse et annule le jugement rendu le 25 mars 2010 par le tribunal de première instance, sauf en ce qu'il confirme le jugement rendu par le tribunal du travail le 28 avril 2005 et celui en date du 29 mars 2007 en ce qu'il condamne la société Monte-Carlo Protection Privée à payer à M. F. la somme complémentaire de 12,16 euros,

– Renvoie l'affaire à la première session utile de la Cour de révision,

– Condamne M. F. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.


Contentieux Judiciaire

NOTE : Cet arrêt a déclaré le pourvoi recevable contre le jugement rendu le 25 mars 2010 ; a cassé et annulé ce jugement sauf en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal du travail le 28 avril 2005 et celui en date du 29 mars 2007 condamnant la SAM Monte-Carlo Protection Privée à payer à M. F. la somme complémentaire de 12,16 euros, a renvoyé l'affaire à la première session utile de la Cour de Révision.