Cour de révision
Monaco
08 juillet 2020
HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD, LONGRIVER LIMITED
Contentieux Judiciaire
Abstract
|
|
|
|
|
|
|
|
Mainlevée de séquestre - Blocage de comptes bancaires - Convention européenne - Conformité - Accomplissement d'actes utiles à la manifestation de la vérité |
Résumé
Pour confirmer l'ordonnance de refus de mainlevée de séquestre rendue par les juges d'instruction, la cour d'appel relève qu'ont été communiquées aux sociétés appelantes, tiers à la procédure, concernées par les mesures de blocage de comptes bancaires, les pièces suivantes : le procès-verbal du 31 juillet 2019 de la Division de police judiciaire de la Sûreté publique, contenant transmission partielle d'exécution d'une commission rogatoire du 23 avril 2019, relative précisément au blocage du compte n° 179714 avec les pièces d'exécution, le courrier du 9 mai 2019 de la banque UBS de Monaco adressé au commandant de police de la Sûreté publique de Monaco indiquant que Mme B. est titulaire de plusieurs comptes ouverts en leurs livres et qu'il a été procédé au blocage des avoirs déposés sur ces comptes le 30 avril 2019, ainsi que la commission rogatoire des juges d'
instruction du 23 avril 2019
, pièce ayant un rapport direct avec la mesure de séquestre : qu'elle a ainsi exactement retenu, sans violer les textes visés au moyen, que les pièces communiquées aux sociétés requérantes, en sus des éléments factuels et juridiques contenus dans la motivation de l'
ordonnance du 29 mai 2019
, étaient suffisantes, au regard des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale et de celles de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pour permettre à ces sociétés, tiers à l'information judiciaire en cours, de se défendre en connaissance de cause.
Par motifs propres et adoptés, les juges du fond relèvent qu'il apparaît que les comptes détenus directement ou indirectement par Mme B. auraient pu servir à faire transiter ou à recueillir tout ou partie des fonds allégués de détournements, que la présente mesure de blocage correspond à une mesure patrimoniale conservatoire destinée à permettre l'accomplissement d'actes utiles à la manifestation de la vérité mais également à éviter la dissipation des fonds qui pourraient être l'objet ou le fruit des infractions dénoncées et dont le préjudice allégué serait de plusieurs millions d'euros.
En se prononçant ainsi, par des énonciations procédant de son appréciation souveraine de l'existence de présomptions simples et d'indices justifiant la mesure autorisée à l'égard des sociétés en cause dont Mme B. est la bénéficiaire économique, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, justifié sa décision.
Les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique, n'ayant pas invoqué devant les juges du fond la violation de l'exigence de célérité, ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable.
D'où il suit que le moyen, irrecevable pour partie, n'est pas fondé pour le surplus.
(Hors session - Chambre du conseil – Instruction)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'à la suite de plaintes avec constitution de partie civile déposées, respectivement, par M. n. K. et M. o. B. à l'encontre de Mme l. M. épouse B. et tous autres, des chefs d'abus de confiance, recel, blanchiment ainsi que toutes autres infractions que l'instruction pourrait révéler, une mesure de séquestre des comptes bancaires n° 176239, 176573, 176574, 177667, 176695, 180074, 180092, ouverts auprès de la banque UBS Monaco par les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, HERMITAGE FAMILY OFFICE SARL, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique, a été ordonnée ; que ces sociétés ayant demandé mainlevée des mesures de séquestre, les juges d'instruction saisis ont, par
ordonnance du 29 mai 2019
, rejeté cette demande ; que sur appel desdites sociétés, la chambre du conseil de la cour d'appel a confirmé ces mesures ; que les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique, se sont pourvues en révision ;
Sur les trois moyens réunis
Attendu que les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique font grief à l'arrêt critiqué de confirmer l'ordonnance disant n'y avoir lieu à mainlevée des mesures de blocage des comptes, en violation des articles 24 de la Constitution, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 100, 102, 104, 105, 455, 456 du Code de procédure pénale, alors, selon le moyen, de première part : 1°) qu'« tout élément ayant un rapport direct avec la mesure de blocage d'un compte doit être porté à la connaissance du tiers à la procédure pénale qui en demande la mainlevée en qualité de titulaire du compte ; que les plaintes avec constitution de partie civile étant les seuls éléments du dossier desquels émanent les soupçons ayant conduit les magistrats instructeurs à douter de la licéité des fonds se trouvant sur le compte litigieux, et à ordonner une mesure de blocage, la Chambre du Conseil ne pouvait statuer sur la demande de mainlevée des sociétés requérantes sans leur avoir communiqué ces plaintes, qui présentent indéniablement un rapport direct avec la mesure critiquée » ; 2°) que « la Chambre du Conseil a, par un arrêt avant-dire- droit du 6 novembre 2019, considéré que la commission rogatoire des magistrats instructeurs du 23 avril 2019 sur le fondement de laquelle a été ordonnée la mesure de blocage caractérisait une pièce ayant un rapport direct avec cette mesure ; que cette commission rogatoire ne contient aucun motif propre et se borne à un renvoi aux deux plaintes avec constitution de partie civile à l'origine de l'information judiciaire ; qu'en statuant sur la demande de la requérante sans lui communiquer ces éléments, la chambre du conseil a méconnu le principe précité » ; 3°) « qu'en outre, pour confirmer le refus de mainlevée de la mesure de blocage, la Chambre du Conseil a considéré qu'"il apparaît comme l'ont retenu les juges d'instruction que les comptes détenus directement indirectement par l. B. auraient pu servir à recueillir ou à faire transiter tout ou partie des fonds allégués de détournement par les plaignants constitués parties civiles" (Arrêt, p. 9) qu'elle s'est donc fondée, dans ses motifs décisoires, sur les plaintes avec constitution de partie civile qui n'ont pourtant pas été communiquées à la requérante ; qu'en statuant ainsi, la Chambre du Conseil a manifestement méconnu le droit un procès équitable des sociétés requérantes » ; 4°) « qu'enfin, le principe de l'égalité des armes veut que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que n'a pas respecté ce principe la procédure qui a abouti à la confirmation du blocage des comptes de des sociétés requérantes, dont Madame B. est l'ayant-droit économique, qui sert les intérêts des parties civiles, sans communication à ces sociétés des plaintes qui ont fondé leur action » ; et, alors, de deuxième part, 1°) « qu' il résulte de l'
article 100 du Code de procédure pénale
que le maintien d'une saisie ordonnée par le juge d'instruction ne peut se justifier que par l'utilité qu'elle présente pour la manifestation de la vérité ; qu'en justifiant le blocage des compte s des sociétés exposante s par la nécessité de vérifier la propriété des fonds s'y trouvant, lorsqu'un tel blocage, qui ne sert qu'à empêcher la dissipation des fonds, ne peut avoir pour objet ni pour effet de déterminer qui est leur propriétaire, la Chambre du Conseil n'a pas justifié sa décision et a violé le texte précité » ; 2°) « qu'en justifiant son refus d'ordonner la mainlevée de la mesure de blocage par le fait que "le bien-fondé de la demande en restitution nécessite d'établir la réalité du droit de propriété allégué par les sociétés requérantes sur les fonds déposés sur les comptes séquestrés", la Chambre du Conseil a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'exposante, qui se voit de facto privée d'obtenir la mainlevée de la mesure de saisie au regard de la circonstance que leur ayant-droit économique fait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile mettant en cause la réalité de son droit de propriété » ; et alors enfin, « qu'il résulte de l'exigence de célérité, qui découle du droit un procès équitable, que dans le cas où un tiers se voit frapper par une mesure de saisie provisoire, une diligence particulière est nécessaire quant à la poursuite de la procédure, notamment en ce qui concerne les vérifications qui doivent être faites dans un délai raisonnable; qu'en confirmant le refus de mainlevée de la saisie en se bornant à affirmer que les investigations "sont toujours en cours" pour "permettre la manifestation de la vérité quant à la propriété des fonds détenus sur ces comptes", sans justifier aucunement de l'accomplissement d'un quelconque acte d'investigation depuis le dépôt des plaintes avec constitution de partie civile, la Chambre du Conseil a violé le principe précité » ;
Mais attendu, de première part, que pour confirmer l'ordonnance de refus de mainlevée de séquestre rendue par les juges d'instruction, la cour d'appel relève qu'ont été communiquées aux sociétés appelantes, tiers à la procédure, concernées par les mesures de blocage de comptes bancaires, les pièces suivantes : le procès-verbal du 31 juillet 2019 de la Division de police judiciaire de la Sûreté publique, contenant transmission partielle d'exécution d'une commission rogatoire du 23 avril 2019, relative précisément au blocage du compte n° 179714 avec les pièces d'exécution, le courrier du 9 mai 2019 de la banque UBS de Monaco adressé au commandant de police de la Sûreté publique de Monaco indiquant que Mme B. est titulaire de plusieurs comptes ouverts en leurs livres et qu'il a été procédé au blocage des avoirs déposés sur ces comptes le 30 avril 2019, ainsi que la commission rogatoire des juges d'
instruction du 23 avril 2019
, pièce ayant un rapport direct avec la mesure de séquestre : qu'elle a ainsi exactement retenu, sans violer les textes visés au moyen, que les pièces communiquées aux sociétés requérantes, en sus des éléments factuels et juridiques contenus dans la motivation de l'
ordonnance du 29 mai 2019
, étaient suffisantes, au regard des dispositions de l'
article 105 du Code de procédure pénale
et de celles de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pour permettre à ces sociétés, tiers à l'information judiciaire en cours, de se défendre en connaissance de cause ;
Attendu, de deuxième part, que par motifs propres et adoptés, les juges du fond relèvent qu'il apparaît que les comptes détenus directement ou indirectement par Mme B. auraient pu servir à faire transiter ou à recueillir tout ou partie des fonds allégués de détournements, que la présente mesure de blocage correspond à une mesure patrimoniale conservatoire destinée à permettre l'accomplissement d'actes utiles à la manifestation de la vérité mais également à éviter la dissipation des fonds qui pourraient être l'objet ou le fruit des infractions dénoncées et dont le préjudice allégué serait de plusieurs millions d'euros ; qu'en se prononçant ainsi, par des énonciations procédant de son appréciation souveraine de l'existence de présomptions simples et d'indices justifiant la mesure autorisée à l'égard des sociétés en cause dont Mme B. est la bénéficiaire économique, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, justifié sa décision ;
Et attendu enfin, que les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique, n'ayant pas invoqué devant les juges du fond la violation de l'exigence de célérité, ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable pour partie, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi des sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique,
Condamne les sociétés HERMITAGE ONE LIMITED, ODANAR INVESTMENTS LIMITED, GREENBAY
INVEST HOLDING LTD et LONGRIVER LIMITED, dont l. M. épouse B. est l'ayant-droit économique aux frais de l'ensemble de la procédure.
Contentieux Judiciaire