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Cour de révision

Monaco

24 juin 2019

Monsieur t. B. en présence de Monsieur y. B. et du Ministère public

Contentieux Judiciaire

Abstract

             
  Procédure pénale - Ordonnance de renvoi - Respect des droits de la défense - Décision de la juridiction d'instruction ne liant pas la décision de la juridiction de jugement - Régularité - Appel - Nullité - Causes - Conditions : après ordonnance de renvoi

Résumé

Ayant justement énoncé qu'il résulte des dispositions de l' article 229 du Code de procédure pénale que l'ordonnance qui clôture l'instruction n'est pas comprise dans l'énumération des ordonnances dont, aux termes des dispositions précitées, l'inculpée peut relever appel, l'arrêt retient à bon droit, d'autre part, que le principe de l'égalité des armes requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'au cas d'espèce, l'ordonnance de renvoi litigieuse n'établit pas la culpabilité de l'inculpée mais se limite à saisir le tribunal correctionnel, devant lequel sont assurés un accès effectif au juge et le respect des droits de la défense lors de débats publics à l'audience et auprès duquel la prévenue pourra soulever le chef de nullité invoqué en application de l' article 212 du Code de procédure pénale ; en cet état, la chambre du conseil a fait l'exacte application des articles 218, 225, 226, 227 et 229 du Code de procédure pénale , sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que les textes précités ne prévoient pas de droit d'appel de l'inculpée contre les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, lesquelles ne contiennent aucune disposition définitive de nature à s'imposer à la juridiction saisie et qu'aucune limitation particulière n'est apportée à l'exercice des droits de la défense ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli.

L'arrêt énonce justement que l'ordonnance de renvoi ne couvre pas les causes de nullité qui peuvent l'affecter elle-même ; dès lors, même en l'absence d'appel possible, la régularité de l'ordonnance est susceptible d'être contestée devant la juridiction de jugement ; en conséquence un recours en nullité étant ouvert contre cette décision devant la juridiction de jugement, l'appel nullité formé est déclaré irrecevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la décision litigieuse est ou non affectée d'un vice grave ; en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; en effet, la décision de la juridiction d'instruction ne lie pas la juridiction de jugement devant laquelle l'inculpée pourra toujours, si elle l'estime utile, solliciter l'application des dispositions de l' article 212 du Code de procédure pénale et invoquer l'existence d'un vice grave qui affecterait, selon elle, l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

Hors session pénale - Chambre du conseil instruction

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que le 31 mars 2016, M. y. B. déposait plainte avec constitution de partie civile des chefs d'injures publiques et diffamation à l'encontre de Mme t. B. pour avoir, au cours d'une émission diffusée le 1er octobre 2015 par le « Financial Times », tenu les propos suivants :

pour le trust familial de R. qui est propriétaire de la collection ainsi que pour M. R. lui-même, cela repose sur un principe plus large et ceci ne concerne évidemment pas que la perte financière subie. Premièrement, il est question de rendre compte de la malhonnêteté sans scrupules et crasse démontrée sur une période durable par une personne que l'on peut classer parmi les prédateurs les plus agressifs sur le marché de l'art pendant de nombreuses années. En second lieu, il est question de mettre en lumière le manque de transparence et des pratiques douteuses qui affectent l'ensemble du marché » ;

Qu'il estimait que ces propos le visaient personnellement ; que, le 29 avril 2016, le Procureur général prenait des réquisitions aux fins d'informer contre Mme B. des chefs d'injures publiques et diffamation ; qu'inculpée de ces chefs, l'intéressée reconnaissait avoir tenu ces propos et contestait leur caractère injurieux ou diffamatoire ; qu'après communication du dossier par le magistrat instructeur au parquet pour règlement, Mme B. saisissait la chambre du conseil de la cour d'appel afin de voir prononcer la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ; que, par arrêt du 22 février 2017, la cour d'appel déboutait l'intéressée de sa demande de nullité et prononçait la nullité du réquisitoire introductif et celle de la poursuite ; que, le 19 octobre 2017, le Procureur général prenait des réquisitions de non-lieu, en raison notamment de l'annulation du réquisitoire introductif ; que, par ordonnance du 22 mars 2018 , le juge d'instruction renvoyait Mme B. devant le tribunal correctionnel des chefs précités, considérant notamment que si la nullité du réquisitoire introductif avait pour conséquence la nullité de la poursuite, cette nullité devait être cantonnée à la seule poursuite du ministère public au risque de contrevenir aux dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) prévoyant un accès effectif au juge ; que, le 26 mars 2018, Mme B .interjetait appel de cette ordonnance ; que, par arrêt du 25 janvier 2019, la chambre du conseil de la cour d'appel a déclaré cet appel irrecevable ; que par déclaration du 5 février 2019 , Mme B. a formé un pourvoi en révision contre cette décision ;

Sur le premier moyen

Attendu que Mme B. reproche à l'arrêt de déclarer, en violation des articles 218, 225, 226, 227, 229 du Code de procédure pénale , 6, 13 et 14 de la Convention, irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance la renvoyant devant le tribunal correctionnel alors, selon le moyen, d'une part, « que l'existence de droits différents selon les parties constitue une atteinte effective au droit à un procès équitable, d'autre part, que la différence de traitement entre le parquet et la défense, lors de l'instruction, est incontestablement constitutive d'une violation de l'article 6 de la Convention, le parquet pouvant remettre en cause l'appréciation des charges par le juge d'instruction devant la chambre du conseil de la cour d'appel, faculté totalement fermée à l'inculpé qui ne peut que soulever l'irrégularité éventuelle de l'ordonnance au stade du jugement et alors, enfin, qu'en ouvrant la possibilité au parquet d'interjeter appel d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel lui permettant de discuter de sa régularité mais également de son bien-fondé tout en ne conférant pas à la défense la possibilité de la contester de la même manière, la chambre du conseil de la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité devant la justice et le droit de toute personne à un recours effectif » ;

Mais attendu d'une part, qu'ayant justement énoncé qu'il résulte des dispositions de l' article 229 du Code de procédure pénale que l'ordonnance qui clôture l'instruction n'est pas comprise dans l'énumération des ordonnances dont, aux termes des dispositions précitées, l'inculpée peut relever appel, l'arrêt retient à bon droit, d'autre part, que le principe de l'égalité des armes requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'au cas d'espèce, l'ordonnance de renvoi litigieuse n'établit pas la culpabilité de l'inculpée mais se limite à saisir le tribunal correctionnel, devant lequel sont assurés un accès effectif au juge et le respect des droits de la défense lors de débats publics à l'audience et auprès duquel la prévenue pourra soulever le chef de nullité invoqué en application de l' article 212 du Code de procédure pénale ;

Qu'en cet état, la chambre du conseil a fait l'exacte application des articles 218, 225, 226, 227 et 229 du Code de procédure pénale , sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que les textes précités ne prévoient pas de droit d'appel de l'inculpée contre les ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel, lesquelles ne contiennent aucune disposition définitive de nature à s'imposer à la juridiction saisie et qu'aucune limitation particulière n'est apportée à l'exercice des droits de la défense ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen

Attendu que la demanderesse fait grief à l'arrêt, en violation des articles 6 et 13 de la Convention, 212, 218, 225, 226, 227 et 229 du Code de procédure pénale, de déclarer irrecevable l'appel-nullité qu'elle a formé alors, selon le moyen, « que n'a pas rempli son office et n'a pas légalement justifié sa décision, la chambre du conseil de la cour d'appel qui n'a pas examiné si la décision est affectée d'un vice grave tout en reconnaissant que les articles 218 et 229 du Code de procédure pénale ne permettent pas à l'inculpée de relever appel d'une telle ordonnance » ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que l'ordonnance de renvoi ne couvre pas les causes de nullité qui peuvent l'affecter elle-même ; que, dès lors, même en l'absence d'appel possible, la régularité de l'ordonnance est susceptible d'être contestée devant la juridiction de jugement ; qu'en conséquence un recours en nullité étant ouvert contre cette décision devant la juridiction de jugement, l'appel nullité formé est déclaré irrecevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la décision litigieuse est ou non affectée d'un vice grave ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, la décision de la juridiction d'instruction ne lie pas la juridiction de jugement devant laquelle l'inculpée pourra toujours, si elle l'estime utile, solliciter l'application des dispositions de l' article 212 du Code de procédure pénale et invoquer l'existence d'un vice grave qui affecterait, selon elle, l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur l'amende prévue à l' article 502 du Code de procédure pénale

Attendu que M. B. sollicite la condamnation de Mme B.au paiement d'une amende en application de l' article 502 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que Mme B. a abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende ;

Condamne Mme t. B. aux frais.


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