Cour de révision
Monaco
09 octobre 2018
La Société T.A. ASIA Limited
c/ la Société BARCLAYS BANK PLC
Contentieux Judiciaire
Abstract
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Banque - Opérateur averti - Obligation d'information – non - Modification des termes du litige - Dénaturation – non - Rejet du pourvoi |
Résumé
L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'outre l'indication écrite par la société de sa connaissance des marchés financiers, il résulte de ses statuts de celle-ci qu'elle peut être qualifiée« d'investisseur professionnel » ; que la société a d'ailleurs, dès l'ouverture du compte en 2007, et donc bien avant le premier contrat cadre du 6 mai 2010, réalisé des opérations de change à terme et qu'en toute hypothèse elle s'est livrée de manière habituelle à des opérations spéculatives dès le premier contrat cadre, c'est-à-dire plus d'une année avant celles du mois de juillet 2011, conduites en exécution du contrat cadre du 27 décembre 2010 ; Ayant ainsi fait ressortir que la société avait démontré, avant l'engagement des opérations boursières inhérents aux investissements à caractère spéculatif, la cour d'appel qui en a exactement déduit qu'elle était un opérateur averti et qu'en conséquence la banque n'était pas tenue à son égard à une obligation d'information renforcée, a légalement justifié sa décision.
Ayant établi, par motifs propres et adoptés, que ce n'était pas au contrat cadre du 6 mai 2010 qu'était annexée la notice de pondération, mais à la convention de gage du même jour, demeurée applicable sous l'empire des contrats cadres ultérieurs, dont celui du 27 décembre 2010, la cour d'appel, après avoir constaté que M. AR. qui avait signé la convention de gage, était à même de comprendre la détermination du taux de pondération, ne pouvait qu'écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision.
La société fait enfin le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'en retenant que la société ne prétendait pas avoir fourni la garantie supplémentaire dans le délai imparti par la lettre d'appel du 9 août 2011 cependant que, dans ses conclusions d'appel, cette dernière faisant expressément valoir que la banque, par LRAR du 10 août 2011, lui avait déclaré accepter sa demande d'extension du délai de 24 heures sous réserve du virement immédiat d'une somme 1.300.000 € auquel la société avait procédé le même jour, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont l'avait saisie la société et méconnu les termes du litige, ce faisant a violé les dispositions de l'
article 199 du Code de procédure civile
».
Mais après avoir rappelé les diligences effectuées par la société à la suite de la mise en demeure, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige, a retenu que s'il était soutenu que le taux de couverture avait été rétabli dans le délai de 8 jours calendaires, la société ne prétendait pas en revanche avoir fourni l'intégralité de la garantie supplémentaire dans le délai imparti de 24 heures ; qu'elle a dès lors pu en déduire l'absence de comportement fautif de la banque ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
(en session civile)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué, que la société TA Asia Ltd (la société) dont l'ayant droit économique était M. a AR.et qui avait ouvert le 16 juillet 2007 un compte à la BARCLAYS BANK PLC à Monaco (la banque), a passé avec cette banque plusieurs contrats cadres, dont le dernier en date du 27 décembre 2010, portant ouverture d'une ligne de change multi devises, en vue de la réalisation d'opérations de change à terme ; qu'elle avait affecté en gage au profit de la banque l'ensemble de ses avoirs en instruments financiers et monnaies en dépôt avec le double engagement de maintenir le gage consenti et de faire en sorte que la valeur totale pondérée de celui-ci soit à tout moment égale à au moins 10 % du montant de la limite maximale autorisée, augmenté des pertes définitives ou latentes sur les opérations de change à terme ; qu'à la suite des pertes enregistrées, la banque a demandé à la société d'une part de rétablir le montant du gage dans le délai contractuel de 8 jours, et d'autre part de souscrire un complément de garantie dans le délai contractuel de 24 heures ; que le 16 août 2011 la banque, considérant que sa cliente n'avait pas fait face à ses obligations dans les délais prévus, a mis fin à la ligne de change ; que la société a recherché la responsabilité de la banque ; qu'elle a été débouté par jugement en date du 12 janvier 2017, confirmé par l'arrêt attaqué ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de l'intégralité de ses prétentions alors, selon le moyen :
1°/ que la reconnaissance par le client qu'il dispose des connaissances suffisantes pour réaliser des opérations spéculatives et qu'il a été dûment informé des conditions de fonctionnement des marchés concernés ne suffit pas à établir sa qualité d'investisseur averti ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient qu'à partir du 6 mai 2010, date à laquelle avait été souscrit un contrat-cadre initial « accordant une ligne de change à terme multi devises, support des opérations de change à terme par la suite initiés , divers engagements et conventions » avaient « été signés, notamment des contrats cadre successifs » qui incluaient « tous la reconnaissance par le client qu'il a une parfaite connaissance des opérations initiées dans le cadre de ce contrat et des risques qu'elles comportent » ainsi « qu'un mandat de conseil en placement dans lequel le client reconnaît être un investisseur averti, auquel était annexé une déclaration des objectifs de placement par laquelle a AR. définissait entre moyen et élevé son expérience en matière de placement en ce qui concerne le marché des changes comptant, à terme swap, demandait à recevoir uniquement des informations sur le Forex et indiquait avoir reçu la brochure des risques spécifiques liés aux opérations sur les instruments financiers » ; qu'en se fondant ainsi sur des motifs impropres à établir que la banque avait procédé à une évaluation concrète des connaissances réelles de sa cliente avant la formation des contrats litigieux et qu'à la date de ces contrats, la société était un opérateur averti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 1002 du Code civil
monégasque ;
2°/ que si la qualité d'investisseur averti, à défaut de préexister aux relations du prestataire et de son client, peut s'acquérir au cours de leur exécution à l'issue d'une période de pratique et d'expérience, la banque n'échappe à son devoir d'information renforcé ou de mise en garde que dans la mesure où il est établi que son client justifiait de cette qualité préalablement à l'engagement des opérations boursières ; qu'en l'espèce, pour reconnaître à la société la qualité d'investisseur averti, l'arrêt attaqué retient que son profil avait évolué depuis l'ouverture de son compte, le 16 juillet 2007, et la souscription du contrat du 6 mai 2010, et que « la nature des opérations initiées, leur nombre et les montants engagés par la société » à partir de cette date confirmaient qu'elle avait « une connaissance certaine des risques et des mécanismes financiers » ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir que la société avait acquis une connaissance suffisante des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés concernés avant la souscription du contrat cadre du 6 mai 2010 ayant servi de support aux opérations de change à terme par la suite initiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 1002 du Code civil
monégasque » ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'outre l'indication écrite par la société de sa connaissance des marchés financiers, il résulte de ses statuts de celle-ci qu'elle peut être qualifiée « d'investisseur professionnel » ; que la société a d'ailleurs, dès l'ouverture du compte en 2007, et donc bien avant le premier contrat cadre du 6 mai 2010, réalisé des opérations de change à terme et qu'en toute hypothèse elle s'est livrée de manière habituelle à des opérations spéculatives dès le premier contrat cadre, c'est-à-dire plus d'une année avant celles du mois de juillet 2011, conduites en exécution du contrat cadre du 27 décembre 2010 ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société avait démontré, avant l'engagement des opérations boursières en cause, une connaissance certaine tant des mécanismes financiers que des risques inhérents aux investissements à caractère spéculatif, la cour d'appel qui en a exactement déduit qu'elle était un opérateur averti et qu'en conséquence la banque n'était pas tenue à son égard à une obligation d'information renforcée, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'ayant elle-même constaté qu'à la date des opérations litigieuses, réalisées en 2011, les relations des parties étaient régies par le contrat cadre du 27 décembre 2010, la cour d'appel ne pouvait s'assurer que la banque avait exécuté son devoir d'information relativement à la pondération des avoirs par référence à la notice de pondération annexée à la convention cadre du 6 mai 2010, dès lors qu'il n'était ni allégué, ni établi qu'une notice du même type avait été annexée au contrat du 27 décembre 2010, ainsi que l'avait expressément souligné la société dans ses écriture d'appel ; qu'en se fondant sur des motifs impropres à établir que la banque avait rempli son obligation contractuelle d'information relativement à la pondération des avoirs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des
articles 997 et 1002 du Code civil
monégasque » ;
Mais attendu qu'ayant établi, par motifs propres et adoptés, que ce n'était pas au contrat cadre du 6 mai 2010 qu'était annexée la notice de pondération, mais à la convention de gage du même jour, demeurée applicable sous l'empire des contrats cadres ultérieurs, dont celui du 27 décembre 2010, la cour d'appel, après avoir constaté que M. AR. qui avait signé la convention de gage, était à même de comprendre la détermination du taux de pondération, ne pouvait qu'écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen
Attendu que la société fait enfin le même grief à l'arrêt alors selon le moyen « qu'en retenant que la société ne prétendait pas avoir fourni la garantie supplémentaire dans le délai imparti par la lettre d'appel du 9 août 2011 cependant que, dans ses conclusions d'appel, cette dernière faisant expressément valoir que la banque, par LRAR du 10 août 2011, lui avait déclaré accepter sa demande d'extension du délai de 24 heures sous réserve du virement immédiat d'une somme 1.300.000 € auquel la société avait procédé le même jour, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont l'avait saisie la société et méconnu les termes du litige, ce faisant a violé les dispositions de l'
article 199 du Code de procédure civile
».
Mais attendu qu'après avoir rappelé les diligences effectuées par la société à la suite de la mise en demeure, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige, a retenu que s'il était soutenu que le taux de couverture avait été rétabli dans le délai de 8 jours calendaires, la société ne prétendait pas en revanche avoir fourni l'intégralité de la garantie supplémentaire dans le délai imparti de 24 heures ; qu'elle a dès lors pu en déduire l'absence de comportement fautif de la banque ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la banque
Attendu que la BARCLAYS BANK PLC demande la condamnation de la société TA ASIA LTD au paiement de la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice ;
Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS,
- Rejette le pourvoi ;
- Rejette la demande de dommages et intérêts de la société BARCLAYS BANK PLC ;
- Condamne la société TA ASIA LTD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Contentieux Judiciaire