Monsieur f. PI. et Madame m. PE. épouse PI.
c/ les héritiers de Madame j. CO. et consorts
Il n'est pas démontré par les consorts CO. que la vente a été réalisée à un prix très inférieur à la valeur réelle de la chose vendue ; la rente convenue entre les parties, sans bouquet, s'élevait à la somme de 18.293,88 euros, soit une somme supérieure au montant du rapport du placement financier du produit de la vente ; il s'ensuit que la constitution de la rente viagère dont le montant des arrérages est supérieur aux revenus du bien aliéné est exempt de toute critique relative à la vileté prétendue du prix consenti par Mme Hélène CO. aux époux PI. ; il y a lieu en conséquence de réformer le jugement rendu par le Tribunal de Première instance de Monaco le 20 octobre 2011, en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente.
(en session après cassation)
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu que par deux actes authentiques du 27 avril 1999, Mme Hélène CO. a, d'une part, vendu à M. François PI. qui était son médecin traitant et à l'épouse de celui-ci 60% de la nue-propriété d'un appartement et 50% d'une cave et d'un garage, moyennant paiement d'une rente viagère et, d'autre part, fait don aux mêmes époux des 40% restant sur la nue-propriété de l'appartement en se réservant l'usufruit dans les deux cas ; qu'après le décès de Mme Hélène CO. ses héritiers ont demandé l'annulation des deux conventions ; que par jugement du 20 octobre 2011 le Tribunal de première instance a rejeté la demande relative à la donation mais a prononcé la nullité de l'acte de vente pour vileté du prix ; que l'arrêt confirmatif rendu par la Cour d'appel le 18 mars 2014 a été cassé par la Cour de révision le 26 mars 2015 ;
Attendu que par conclusions additionnelles des 16 mars et 15 juin 2016 les époux PI. demandent l'infirmation du jugement du 20 octobre 2011 en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et sollicitent le rejet de toutes les demandes des consorts CO. ainsi que leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral, outre les dépens ;
Attendu que par conclusions additionnelles et en réplique des 17 mars et 8 juillet 2016, les consorts CO. demandent la confirmation du jugement ayant prononcé la nullité de la vente viagère ainsi que la condamnation des époux PI. aux frais d'expertise et à la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral ;
SUR CE,
Sur le caractère réel et sérieux du prix et la demande de nullité de la vente
Attendu que les consorts CO. demandent que soit prononcée la nullité de la vente au titre de la vileté du prix ;
Attendu que les époux PI. contestent l'évaluation retenue par le Tribunal et demandent à la Cour de prendre en compte la valeur du bien à la date de la vente, ainsi que les taux d'intérêts applicables à cette date et de déduire la valeur de l'usufruit ;
Attendu que lorsque le vendeur s'est réservé l'usufruit du bien vendu, l'appréciation du caractère sérieux du prix se fait par comparaison entre le montant de la rente et les revenus calculés à partir de la valeur vénale, au jour de la vente, de l'immeuble grevé, diminuée de la valeur de l'usufruit que s'est réservé la crédit-rentière ;
Attendu qu'il résulte des éléments objectifs et précis de l'expertise judiciaire réalisée, afin de fixer la valeur du bien à la date de signature du contrat, puis de fixer la valeur de l'usufruit à en déduire et d'indiquer les taux d'intérêt en vigueur à la date du 27 avril 1999, que la valeur du bien peut être fixée comme suit :
- 60% indivis, pour cet appartement de 102 m2 et 400 tantièmes, lui-même évalué à la somme de 720.000 euros, compte tenu du prix moyen de 1.800 euros le tantième, relevé par l'expert dans son rapport, par la méthode comparative, pour les ventes réalisées dans le même secteur pour des biens de situation, configuration et construction présentant les mêmes caractéristiques, représentent la somme de 432.000 euros ;
- 50% indivis pour le garage, évalué à la somme de 56.000 euros, représentent la somme de 28.000 euros ;
- soit un total de 460.000 euros pour la valeur de la transaction immobilière à la date du 27 avril 1999 ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, tels qu'analysés par l'expert conformément à sa mission et au regard des valeurs comparatives produites, il convient de retenir cette somme et d'en déduire le montant de l'usufruit, tel que son évaluation résulte de l'
article de la loi du 29 juillet 1953
, soit 10% de la somme de 460.000 euros ;
Qu'il en résulte une valeur d'acquisition de 414.000 euros ;
Qu'il n'est pas démontré par les consorts CO. que la vente a été réalisée à un prix très inférieur à la valeur réelle de la chose vendue ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les taux d'intérêt annuels applicables à la date de la transaction pour des placements financiers sans risque oscillaient entre 2,25 et 3,98% ; qu'en retenant un taux médian de 3%, correspondant au taux des obligations à terme à la date de référence, appliqué à la somme de 414.000 euros, les revenus tirés de cette somme auraient représenté un montant annuel de 12.420 euros ;
Que la rente convenue entre les parties, sans bouquet, s'élevait à la somme de 18.293,88 euros, soit une somme supérieure à ce montant ;
Qu'il s'ensuit que la constitution de la rente viagère dont le montant des arrérages est supérieur aux revenus du bien aliéné est exempt de toute critique relative à la vileté prétendue du prix consenti par Mme Hélène CO. aux époux PI. ;
Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement rendu par le Tribunal de Première instance de Monaco le 20 octobre 2011, en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente avec conversion du prix en rente viagère, passé entre Mme Hélène CO. et les époux PI., portant sur les 60% indivis en nue-propriété de l'appartement sis 22 rue Emile Loth à Monaco et sur les 50% indivis en nue-propriété d'un garage ;
Sur les demandes de dommages et intérêts
Attendu qu'il y a lieu de débouter les consorts CO., qui succombent en leurs prétentions, de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Qu'eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu de débouter les époux PI. de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice matériel et moral ;
Sur les dépens et sur les frais d'expertise
Attendu qu'il y a lieu de condamner les consorts CO. aux dépens et aux frais d'expertise ;
- Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts CO. de leur demande en nullité de la vente pour vileté du prix ;
- Déboute les consorts CO. et les époux PI. de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- Condamne les consorts CO. aux frais d'expertise et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.