Tribunal Suprême
Monaco
04 avril 1996
Sieur J.-G. D. c
Centre Hospitalier Princesse Grace
Contentieux Administratif
Abstract
|
|
|
|
|
|
|
|
Fonctionnaires et agents publics |
|
Personnel hospitalier - Faute grave - Refus de réintégration – Révocation - Absence de Conseil de discipline - Pouvoir du Directeur du Centre hospitalier. |
|
Responsabilité de la puissance publique |
|
Préjudice - Faute grave – Révocation - Absence de droit à indemnité. |
Le Tribunal Suprême,
Siégeant et délibérant en assemblée plénière, et statuant en matière administrative,
Vu la requête en date du 12 septembre 1995, présentée par Monsieur D., en annulation d'une
décision du 10 juillet 1995
du directeur du Centre hospitalier Princesse Grace prononçant un refus de réintégration de Monsieur D. dans ses fonctions de salarié et tendant à l'obtention d'une indemnisation ;
Vu la décision du tribunal suprême du 9 juin 1995, annulant pour défaut de base légale la
décision du 6 septembre 1994
prononçant la révocation de Monsieur D. de ses fonctions de salarié, et allouant une indemnité forfaitaire de 50 000 francs ;
Ce faire, attendu que :
Le tribunal suprême a annulé par une
décision du 15 juin 1994
la
décision du 10 septembre 1993
du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace prononçant la révocation pour faute grave de Monsieur D., kinésithérapeute titulaire. Une nouvelle décision de révocation sans suspension des droits à pension a été prise le 6 septembre 1994 par le directeur du centre. Elle a été annulée par le tribunal suprême qui, dans sa
décision du 9 juin 1995
, a rappelé qu'il appartenait à l'administration du Centre Hospitalier de réintégrer Monsieur D. et de lui verser, à titre d'indemnité forfaitaire, une somme de 50 000 francs. Monsieur D., par lettre du 6 juillet 1995, a demandé sa réintégration qui lui a été refusée par lettre du directeur du centre du 10 juillet ; cette décision de non-réintégration constitue l'acte attaqué ;
Quant à la légalité, le requérant fait valoir un vice de forme car il n'entrerait pas dans les compétences du directeur du centre hospitalier d' « opposer un refus à une demande de réintégration ». Sur le fond, il invoque le détournement de pouvoir puisque, en l'espèce, la décision de l'administration du centre « vise à s'opposer à l'exécution d'une décision de justice », la décision du tribunal suprême du 9 juin 1995 ;
Quant à l'indemnisation, il est demandé au tribunal suprême de donner acte au centre hospitalier de ce qu'il se propose d'indemniser Monsieur D. à hauteur de l'indemnité de licenciement et de condamner le centre à payer :
- 100 000 F au titre du préjudice tiré du défaut de réintégration ;
- 91 000 F au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 171 000 F pour la perte de salaire ;
- 150 000 F au titre du préjudice subi du fait de la non-régularisation de la situation du requérant auprès des organismes sociaux, soit une somme globale de 512 000 F ;
Vu la contre-requête enregistrée le 10 novembre 1995 qui tend au rejet de la requête par le tribunal suprême et lui demande de donner acte au Centre Hospitalier Princesse Grace « exposant de ce qu'il offre de verser à Monsieur D. la somme de 85 000 francs » ;
Quant à la légalité, le directeur a dû procéder seul à la mise en œuvre d'une nouvelle procédure disciplinaire après la décision du tribunal suprême du 9 juin 1995. En effet, d'après l'article 57, alinéa 1 du statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace : « le Conseil de discipline comprend quatre membres : - deux membres dont le Président sont désignés par le Président du Conseil d'administration ». Or, le mandat des membres du Conseil d'administration a expiré le 9 janvier 1995 sans qu'il soit procédé à un renouvellement, ainsi que l'atteste le conseiller du Gouvernement pour l'intérieur par une lettre en date du 23 octobre 1995. Devant cette carence, il appartenait au directeur du centre de prendre la décision, d'autant que l'article 84, alinéa 8, du règlement intérieur, porté par l'
arrêté ministériel n° 86620 du 10 novembre 1986
, dispose : « Le directeur nomme le personnel de service » ;
Sur le fond, Monsieur D. a commis une faute dont la gravité n'a pas été contestée par le tribunal suprême dans ses
décisions du 15 juin 1994
et du 9 juin 1995 ; le centre hospitalier ne pouvait donc, en tout état de cause, prononcer la réintégration dans ses effectifs du requérant ;
Par contre, le Centre a proposé une réparation d'un montant de 85 000 francs incluant la somme de 50 000 francs allouée par le tribunal suprême et la somme de 35 000 francs calculée en s'inspirant des critères qui prévalent en matière de licenciement, sans que cette proposition soit considérée en tant que telle comme une indemnité de licenciement, ainsi que le précise la duplique ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'
Ordonnance souveraine n° 7464 du 28 juillet 1982
portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace, et notamment ses articles 55 à 67 ;
Vu l'
Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962
, notamment ses articles 89 à 92 ;
Vu l'Ordonnance souveraine modifiée du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du tribunal suprême ;
Vu l'ordonnance, en date du 14 février 1996, par laquelle le président du tribunal suprême a renvoyé la cause à l'audience du tribunal suprême du 3 avril 1996 ;
Ouï Monsieur Maurice Torrelli, Membre du tribunal suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Palanca, avocat au Barreau de Nice, et Maître Licari, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;
Ouï Monsieur le procureur général en ses conclusions ;
Sur là légalité de la décision attaquée :
Considérant que, en exécution de la décision du tribunal suprême en date du 9 juin 1995, l'administration du Centre Hospitalier Princesse Grace avait l'obligation de réintégrer Monsieur J.-G. D. dans ses fonctions mais que, en raison de la faute professionnelle grave commise par le requérant, elle pouvait décider immédiatement un refus de réintégration équivalent à une révocation ;
Considérant qu'une nouvelle consultation du Conseil de discipline dans les conditions prévues aux
articles , , et suivants de l'Ordonnance souveraine n° 7464 du 28 juillet 1982
portant statut du personnel de service du centre était devenu impossible, du fait du non-renouvellement de ses membres dont le mandat était venu à expiration le 9 janvier 1995, en raison de la situation du centre à la date de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la
décision du 10 juillet 1995
du directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace est juridiquement fondée ; considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur la demande d'indemnités :
Considérant qu'il résulte de la présente décision que la demande d'indemnités présentée par Monsieur D. n'est pas fondée ;
Décide :
Article 1er : - La requête présentée par Monsieur D. est rejetée ;
Article 2 : - Les dépens sont mis à la charge du requérant ;
Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Contentieux Administratif
Commentaires des arrêts rendus les 15 juin 1994, 9 juin 1995 et 4 avril 1996 par le Tribunal Suprême sieur J.-G. D. c/Centre Hospitalier Princesse GraceI. - Le recours à la justice implique le plus souvent, une longue patience. Le Centre Hospitalier Princesse Grace (CHPG) de la Principauté de Monaco en a fait l'expérience à ses dépens.Il fallut, en effet, trois arrêts du tribunal suprême en date respectivement des 15 juin 1994, 9 juin 1995 et 4 avril 1996, ci-dessous rapportés, et près de trois années au centre hospitalier pour obtenir judiciairement, l'éviction définitive d'un de ses agents coupable d'une faute professionnelle grave.En contrepartie, il est vrai, la jurisprudence s'est enrichie de décisions qui témoignent à nouveau, de la rigueur avec laquelle le haut tribunal impose le respect du principe des droits de la défense, sauf à commettre, semble-t-il, une erreur de fait dans leur application.Les faits sont simples et se résument comme suit.II. - Le « CHPG » a engagé Monsieur J.-G. D. en qualité de kinésithérapeute, salarié à mi-temps, à compter du 1er février 1993.Le 6 août 1993, celui-ci a été désigné par le responsable du service de kinésithérapie pour qu'il prenne en charge le traitement d'une patiente récemment opérée. Il s'est rendu le jour même auprès de celle-ci et, après l'avoir traitée, lui a présenté une demande d'entente préalable à l'en-tête de son cabinet de ville, dans le but d'encaisser des honoraires, alors qu'il agissait en qualité de salarié du centre hospitalier.Ayant réitéré sa demande les jours suivants, son insistance conduisit la patiente à porter plainte auprès de la direction de l'établissement.Le 12 août 1993, celle-ci convoqua M. D. pour un rendez-vous fixé au 13 août à 12 h 45, auquel l'intéressé s'abstint de se rendre. Par courrier du 1er septembre suivant, il fut cité à comparaître devant le Conseil de discipline le 10 septembre à 15 heures.l'issue de sa réunion et après en avoir délibéré, le Conseil proposa la révocation du fautif sans suspension du droit à pension. Cette sanction fut prononcée le jour même, par le directeur du « CHPG ».Sur recours en annulation de cette décision, recours assorti de conclusions aux fins d'indemnisation introduit par M. D., le tribunal suprême, par arrêt du 15 juin 1994, annula la révocation pour méconnaissance du délai de comparution devant le Conseil de discipline. En revanche, il rejeta la demande d'indemnité à raison de la gravité de la faute invoquée et du comportement professionnel du requérant, déjà sanctionné par un blâme du 5 août 1993.III. - À la suite de cette décision, M. D. fut à nouveau convoqué le 4 juillet 1994 devant le Conseil de discipline pour le 20 juillet suivant. À cette date, le Conseil décida de surseoir à statuer dans l'attente d'un « éclaircissement de nature juridique sur les suites qu'il convient de donner » à l'arrêt susvisé du 15 juin 1994.Le 6 septembre suivant, conformément à l'avis émis par le Conseil de discipline, le directeur du centre prononça la révocation de M. D..Mais par arrêt du 5 juin 1995, le tribunal suprême annula cette seconde révocation, au motif que le délai imparti au Conseil de discipline pour émettre son avis avait été excédé. Il rejeta à nouveau la demande d'indemnité pour le même motif que celui retenu par l'arrêt du 15 juin 1994 (supra § II), tout en allouant cependant 50 000,00 F de dommages et intérêts à M. D., en réparation du préjudice que lui avaient causé les deux décisions entachées de vice de la procédure disciplinaire.IV. - Celle-ci n'a pas été reprise une troisième fois, du fait de l'absence de Conseil de discipline.Ce Conseil comprend en effet quatre membres, dont deux sont désignés par le président du conseil d'administration du « CHPG » et pris au sein de cet organisme. Or, le mandat de celui-ci avait pris fin le 3 janvier 1995 et ne fut renouvelé qu'en avril 1996, « à raison de la situation du Centre ». Par voie de conséquence, le Conseil de discipline fut réduit à deux membres pendant toute cette période et ne put donc se réunir.V. - Monsieur D. ayant demandé sa réintégration par lettre du 6 juillet 1995, le directeur du centre la refusa par décision du 10 juillet, contre laquelle l'intéressé forma un recours en annulation, toujours assorti d'une demande d'indemnité.Mais par arrêt du 4 avril 1996, le haut tribunal rejeta ce recours. Il releva qu'aucun des deux arrêts précédemment intervenus, respectivement les 15 juin 1994 et 9 juin 1995 (supra § II s.) ne contestait la gravité de la faute professionnelle commise par le requérant et qu'en conséquence, le directeur du centre hospitalier ne pouvait réintégrer celui-ci dans ses effectifs.La demande d'indemnisation fut également déclarée non fondée pour le même motif. Ce qui mit un point final à cette longue procédure.VI. - Avant d'aborder l'analyse de chacune des trois décisions rendues par le tribunal suprême dans le conflit opposant le centre hospitalier à M. D., il ne paraît pas inutile de rappeler succinctement la position de cette haute juridiction à l'égard du principe du respect des droits de la défense. Cette position s'écarte en effet sensiblement de celle adoptée par le Conseil d'État français en la matière.VII. - Le respect des droits de la défense fut exigé par le tribunal suprême pour la première fois, le 4 décembre 1974, à l'occasion de l'arrêt « Sieur H. B. » (note. P. W.). Il y relève en effet, que « le Sieur B. a été mis à même de présenter sa défense sur les griefs retenus contre lui ».En matière disciplinaire également et dès 1936, le Conseil d'État exigeait qu'avant l'intervention d'une mesure prise en considération de la personne, celle-ci soit avertie de cette éventualité et mise à même de se défendre (CE, 17 juin 1936, G. : Rec. CE, p. 659). Mais là s'arrête, ou presque, la similitude des jurisprudences française et monégasque, bien que les dispositions législatives et réglementaires relatives au contentieux disciplinaire des deux États soient très proches l'une de l'autre.VIII. - Ainsi, le Conseil d'État considère, de longue date, qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire, la non-communication d'office à l'intéressé de l'avis du Conseil de discipline (ou de la commission disciplinaire paritaire) n'est pas de nature à entacher d'illégalité la sanction prononcée (CE, ass., 5 juin 1959, S. : Rec. CE, p. 346).En sens diamétralement opposé, le tribunal suprême attache à cette communication valeur d'obligation légale dont l'omission entraîne l'annulation de la décision disciplinaire (T. suprême, 19 déc. 1989, Sieur A. D. et la note).De même, depuis la loi du 22 avril 1905 (art. 62), dont les dispositions ont été reprises dans les statuts successifs de la fonction publique, l'administration doit informer le fonctionnaire ou l'agent public, objet d'une poursuite disciplinaire, de son droit à la communication de son dossier individuel. Mais il lui incombe de la demander. En cas d'abstention de la part de l'intéressé, la procédure n'est nullement viciée par l'absence de communication dudit dossier (CE, sect., 23 juin 1967, M. : Rec. CE, p. 272).Le statut des fonctionnaires de l'État monégasque est plus exigeant à cet égard. Il impose en effet à l'administration, de mettre en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, le fonctionnaire déféré au Conseil de discipline, de prendre connaissance de son dossier et de toutes les pièces relatives à l'affaire (L. n° 975, 13 juill. 1975, art. 46).Enfin, l'écart entre les conceptions française et monégasque du principe du respect des droits de la défense augmente encore quant à la nature de ce principe.Pour le Conseil d'État, celui-ci n'est pas d'ordre public, qu'il s'agisse de la non-communication de l'avis du Conseil de discipline, ou de celle du dossier (CE, ass., 23 avr. 1965, Dame D. : JCP 1965, éd. G, II, 14412 et la note Durand-Prinborgne. - 3 févr. 1980, Dame E. : Dr. adm. 1980, n° 93. - 29 mars 1985, Cne d'Ermont : Dr. adm. 1985, n° 242).l'inverse, le tribunal suprême, en invoquant d'office l'absence de communication de l'avis du Conseil de discipline, lui a attribué valeur d'ordre public (T. suprême, 19 déc. 1989, préc.).Il est très probable que le défaut de mise en demeure à l'intéressé de prendre connaissance de son dossier et, a fortiori, la non-communication de celui-ci seraient considérés comme moyens d'ordre public.a) Sur l'arrêt du 15 juin 1994IX. - Cette décision fait application de l'article 59, alinéa 2, de l'Ordonnance souveraine du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du Centre Hospitalier Princesse Grace, selon lequel, le délai pour convoquer un agent devant le Conseil de discipline est « au moins de 8 jours à l'avance », par lettre recommandée avec avis de réception.En l'espèce, M. D. a été convoqué par lettre du 1er septembre 1993, retirée le 2 septembre, le Conseil de discipline devant se réunir le 10 septembre suivant.Le tribunal suprême a estimé que le délai de 8 jours était un délai minimum garantissant les droits de la défense et donc, prescrit à peine de nullité. Il en a conclu que la décision de révocation du 10 septembre 1993 était entachée de vice de procédure.X. - Une telle décision fait une exacte application des dispositions du Code de procédure civile monégasque.Selon les articles 970 et 971 de ce code en effet, les délais de procédure ne comprennent ni le jour d'où ils partent, ni le jour de l'échéance, disposition applicable en l'espèce puisqu'il s'agit d'une procédure disciplinaire.Or, la convocation devant le Conseil de discipline ayant été retirée le 2 septembre, le Conseil ne pouvait se réunir au plus tôt, que le 11 septembre. La décision émise le 10 était donc bien entachée de nullité.b) Sur l'arrêt du 9 juin 1995XI. - L'analyse de cet arrêt se présente sous un jour nettement plus délicat que celle du précédent.Le motif essentiel de la décision concerne le délai imparti au Conseil de discipline pour émettre son avis. Selon l'article 61 du statut susvisé du Centre hospitalier (supra § IX), ce délai est en principe, d'un mois à compter de la saisine du Conseil, mais de deux mois, lorsqu'il est procédé à une enquête.Le Conseil de discipline est saisi par un rapport du Directeur qui doit donner toutes précisions sur les faits répréhensibles (op. cit., art. 57).XII. - Ainsi qu'il a été indiqué précédemment (supra § III), M. D. a été convoqué à nouveau le 4 juillet 1994 devant le Conseil de discipline, qui devait se réunir le 20 juillet.C'est bien ce qu'il a fait mais, à cette date, il s'est borné à surseoir à statuer pour obtenir « un éclaircissement de nature juridique des suites qu'il convient de donner » à la précédente annulation de la révocation de M. D. par l'arrêt du 15 juin 1994.Le Conseil de discipline s'est réuni à nouveau le 6 septembre 1995 et a émis un avis proposant la révocation, sanction qui fut prononcée le même jour par le Directeur.XIII. - Le tribunal suprême a estimé que cette décision était tardive, comme l'avis lui-même du Conseil de discipline. Il a fixé la date limite impartie à celui-ci pour statuer et décider de la sanction « en tout état de cause » au 4 septembre.Une telle décision s'explique difficilement.XIV. - Elle repose, en effet, sur des faits qui n'ont pas été clairement établis.Selon les motifs de l'arrêt « à défaut de toute autre indication », le point de départ du délai d'un mois imparti au Conseil de discipline pour émettre son avis serait le 4 juillet 1994, « date de convocation de M. D. à la réunion du Conseil de discipline devant avoir lieu le 20 juillet 1994 ».Or, selon le service qualifié du centre hospitalier, la saisine du Conseil aurait eu lieu le 9 août 1994, par le dépôt du rapport du Directeur.Sans doute, le Conseil de discipline s'était-il réuni une première fois le 20 juillet 1994, sans qu'il soit possible de déterminer si cette réunion a été régulière, ou non. D'ailleurs, à cette date, il s'était borné à décider de surseoir à statuer, faculté que n'interdit ou limite aucune disposition du statut du centre hospitalier (supra § IX), non plus que du statut des fonctionnaires de l'État (supra § IX), ni davantage le Code de procédure civile monégasque.Aussi bien, le sursis à statuer ne méconnaît en rien les droits de la défense et n'a d'ailleurs pas été contesté par M. D., en dépit d'une défense particulièrement pointilleuse.XV. - Si l'on admet que le Conseil de discipline, a été saisi le 9 août, il aurait disposé légalement d'un délai expirant le 9 septembre pour émettre son avis (supra § XI), ainsi que le Directeur pour décider de la sanction à prononcer.La décision du 6 septembre 1994 ne serait donc pas tardive, ni entachée d'illégalité, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal suprême, vraisemblablement mal informé sur le déroulement de la procédure disciplinaire.c) Sur l'arrêt du 4 avril 1996XVI. - Cet arrêt donne, finalement, satisfaction au « CHPG ».En l'absence de Conseil de discipline (supra § IV), la procédure disciplinaire ne put être réitérée.Mais le Directeur du centre ayant refusé le 10 juillet 1995 la demande de réintégration présentée le 6 juillet par M. D., celui-ci forma un recours en annulation de ce refus, ainsi qu'une demande d'octroi d'une indemnité.XVII. - Dans ses visas, l'arrêt expose que les circonstances qui ont privé le Centre hospitalier d'un Conseil de discipline, ce qui impose « au Directeur de prendre la décision, d'autant que l'article 84 alinéa 8, du règlement intérieur, porté par l'arrêté ministériel n° 86-620 du 10 novembre 1986, dispose : « le Directeur nomme le personnel de service », selon l'arrêt du 4 avril 1996.Quant à la demande d'indemnisation, les motifs rappellent que les décisions du tribunal suprême du 15 juin 1994 et du 9 juin 1995 n'ont pas contesté la gravité de la faute invoquée contre M. D., faute qui interdisait sa réintégration.En dispositif, le haut tribunal précise que le centre hospitalier avait l'obligation de réintégrer l'agent dont la révocation avait été annulée, mais qu'en raison de sa faute professionnelle grave, l'administration du « CHPG » « pouvait décider immédiatement un refus de réintégration équivalent à une révocation ».En ce qui concerne la demande d'indemnité, elle est déclarée purement et simplement « non fondée ».La légalité de cette décision ne paraît pas contestable.XVIII. - En premier lieu, la compétence du Directeur pour décider, sans l'avis du Conseil de discipline - inexistant -, de ne pas réintégrer M. D. est certaine.En effet, il appartient au directeur du centre de nommer le personnel de service (A. min. n° 86-620, 10 nov. 1986, art. 57). Or, en l'occurrence, la réintégration de l'agent impliquait sa nouvelle nomination dans le service de kinésithérapie.En outre, le refus de réintégrer l'intéressé n'est pas une sanction disciplinaire (Ord. n° 7464 préc., art. 56) et il n'appartient pas au haut tribunal d'adresser des injonctions à l'administration (T. suprême, 19 déc. 1989, préc.).XIX. - En second lieu, la jurisprudence du Conseil d'État impose en règle générale, la réintégration du membre du personnel d'un organisme administratif, illégalement révoqué (CE, 16 nov. 1960, P. : Rec. CE, p. 625. – CE, 25 oct. 1972, M. : Rec. CE, p. 680 s. – CE, 1er juill. 1992, Service Départ, d'incendie du Puy-de-Dôme : Rec. CE, tables, p. 1083. – CE, 22 avr. 1992, Dlle I. : Rec. CE, tables, p. 1084. – CE, 31 mai 1995, MmeR. : Rec. CE, p. 223. - 29 déc. 1995, Sieur L. : Rec. CE, p. 475) et ce, fût-ce sous astreinte (CE, 14 janv. 1987, DlleL. : Rec. CE, p. 5).Toutefois, cette obligation de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions se trouve relativisée par la possibilité qu'à l'administration, après avoir réintégré l'agent illégalement révoqué, « de prendre ensuite à son égard telle mesure (qu'elle) jugeait utile » (CE, 25 oct. 1972, M., préc., étant relevé que dans cette espèce, aucune faute n'a été relevée contre l'intéressé, mais le refus de le réintégrer maintenu. L'État a donc été condamné au paiement d'une indemnité).XX. - L'obligation de réintégrer ou d'indemniser l'agent illégalement révoqué, cesse lorsque l'illégalité ne porte que sur un vice de procédure et que la sanction est justifiée sur le fond à raison de la gravité de la faute professionnelle commise (CE, 25 juin 1947, Sieur B. : Rec. CE, p. 282. – CE, 21 nov. 1947, Sieur P. : Rec. CE, p. 431. – CE, 2 oct. 1981, B. : D. 1982, inf. rap. p. 378. - 14 nov. 1984, comm. De Longages : Rec. CE, p. 365).XXI. - Le tribunal suprême a pris une décision identique.Il a rejeté le recours en annulation de M. D., après avoir rappelé que le centre hospitalier aurait dû réintégrer l'intéressé après l'annulation de ses deux précédentes révocations, mais que la gravité de la faute professionnelle commise ne permettait pas au directeur de prononcer la réintégration dans ses effectifs du requérant.Le même motif justifie le refus d'une indemnisation.XXII. - La solution à laquelle aboutit ce litige d'ordre disciplinaire, quasi interminable, est assurément satisfaisante en droit, comme en fait.Il reste que ses péripéties procédurales mériteraient d'être méditées pour l'avenir.G.-H. GEORGE Avocat honoraire au Conseil d'État et à la Cour de Cassation