Tribunal Suprême
Monaco
06 février 1992
SCI Claude représentée par la Dame C. D.
Contentieux Administratif
Abstract
|
|
|
|
|
|
|
|
Urbanisme et construction |
|
Ordonnance souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966
- Mesures de sécurité et d'hygiène - Champ d'application - Décision portant interdiction de location de mansardes - Annulation - Erreur de droit. |
|
Procédure |
|
Recours pour excès de pouvoir - Recevabilité (oui) - Société civile - statuts - Disposition statutaire autorisant le gérant à ester en justice. |
|
Responsabilité de la Puissance Publique |
|
Recours en indemnité - Faute de la demanderesse - Défaut d'obtention d'autorisations légalement requises - Arrêté ministériel n° 72-287 du 18 octobre 1972
- Rejet. |
Le Tribunal Suprême
Siégeant et délibérant en Assemblée Plénière,
Vu la requête présentée par la dame D. au nom de la SCI Claude, le 2 juillet 1991, tendant à l'annulation de la
décision du 3 mai 1991
de Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, par laquelle la société se voit interdire la location de mansardes dont elle est propriétaire,
Ce faire,
Attendu que la société a loué ces locaux à partir de l'année 1988 à trois locataires ; qu'à la suite de la visite de la Commission technique pour la lutte contre la pollution, la sauvegarde de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publique, l'administration lui avait interdit de procéder à la location de ces locaux et que le Ministre d'État avait rejeté, le 3 mai 1991, le recours gracieux qu'elle avait introduit auprès de lui ;
Que les pièces en cause ont la superficie exigée par la législation applicable ; que depuis la construction de l'immeuble, il y a plus de cent ans, ces locaux ont été utilisés à usage d'habitation ; que le Tribunal Suprême doit enjoindre à l'administration de permettre la location des locaux et la condamner à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison des loyers perdus ;
Vu la contre-requête de Monsieur le Ministre d'État déposée le 30 août 1991 et tendant au rejet de la requête avec condamnation aux dépens pour les motifs que :
Ladite requête est irrecevable car elle émane de la gérante de la SCI Claude qui n'a pas été autorisée à ester en justice par les autres associés alors que l'article 6 des statuts de la société ne lui permet pas d'agir à ce titre ;
Au surplus, les mansardes en cause sont des chambres de domestiques transformées, le changement de destination n'ayant pas transformé leur nature de locaux dépendant d'une habitation principale ;
Les locaux ne sont pas conformes aux dispositions des divers textes relatifs aux constructions neuves ou restaurées et, en dernier lieu, à l'
ordonnance du 9 septembre 1966
;
Le Tribunal Suprême ne peut ordonner à l'Administration de laisser procéder à la location des mansardes en cause ;
Enfin, aucune illégalité ne peut justifier l'annulation des décisions attaquées et l'attribution d'une indemnité correspondant aux loyers non perçus ;
Vu la réplique déposée par la société requérante le 10 octobre 1991 et tendant aux mêmes fins que la requête initiale ;
En ce qui concerne la recevabilité, le gérant en exercice a qualité pour défendre à l'injonction de l'Administration ;
Les pièces mansardées ont toujours été des pièces d'habitation depuis leur acquisition par la société ; qu'elles ont subi une réfection totale ; que la mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le rapport de la commission technique ne lui a pas été transmis ;
Vu la duplique déposée par le Ministre d'État le 8 novembre 1991 et tendant, à nouveau, au rejet de la requête ;
En ce qui concerne la recevabilité, l'action en justice n'est pas un acte conservatoire fondé sur l'urgence et la nécessité de sorte que la gérante ne pouvait agir sans une décision des actionnaires ;
Sur le fond, la gérante reconnaît avoir fait procéder sans autorisation à des travaux de rénovation et ne conteste pas l'inadéquation des mansardes à l'habitation ;
Il n'existe aucune atteinte au droit de propriété dès lors que l'autorité publique était tenue de faire respecter la réglementation ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'Ordonnance-
loi n° 674 du 3 novembre 1959
et notamment son article 13 ;
Vu l'
Ordonnance n° 2120 du 16 novembre 1959
concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ;
Vu l'
Ordonnance n° 3647
modifiée du 9 septembre 1966 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ;
Vu l'arrêté ministériel modifié n° 72-287 du 18 octobre 1972 fixant les mesures générales de sécurité à appliquer pour la construction des immeubles et leur protection contre les risques d'incendie et de panique ;
Vu l'
Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962
, notamment ses articles 89 à 92 ;
Vu l'Ordonnance souveraine modifiée du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance, en date du 31 décembre 1991, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a ordonné le renvoi de la cause ;
Ouï Monsieur Roland Drago, Vice-Président du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maîtres Pastor-Pouget, avocat, assistée de Maître Blot, avocat-défenseur et Maître Sanita, avocat-défenseur, en leur plaidoirie ;
Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le Ministre d'État en ce que la dame D., gérante de la SCI Claude, serait sans qualité pour agir au nom de la société :
Considérant qu'il résulte de l'article 6 des statuts de la société en date des 27 juillet et 8 août 1979 que le gérant dispose de tous les pouvoirs d'administration de la société ; que l'adverbe « notamment » figurant avant l'énonciation de ces pouvoirs doit faire considérer que sont au nombre des actes que le gérant peut accomplir les actions engagées devant les juridictions ; que le recours déposé au nom de la dame D. en tant que gérant de la société requérante est donc recevable ;
Sur la légalité de la décision en date du 21 janvier 1991 de Monsieur le Directeur de l'Urbanisme et de la Construction, ensemble la décision confirmative, en date du 3 mai 1991, de Son Excellence le Ministre d'État :
Considérant qu'il résulte de la décision attaquée que la société requérante s'est vu interdire de louer les locaux dont elle est propriétaire à compter du 28 février 1991 pour les motifs que lesdits locaux ne seraient pas en conformité avec les
articles , , , et de l'ordonnance du 9 septembre 1966
;
Considérant, d'une part, que cette ordonnance ou tout autre texte de nature législative n'autorise pas les autorités administratives à procéder à des mesures d'interdiction de cet ordre ; que la violation des dispositions précitées peut seulement entraîner des condamnations pénales ou des mesures d'interdiction prononcées par les tribunaux dans les conditions et selon les garanties prévues par l'article 13 de l'ordonnance-
loi n° 674 du 3 novembre 1959
concernant l'urbanisme, la construction et la voirie ;
Considérant, d'autre part, que, selon les textes législatifs concernant la construction et l'urbanisme, les dispositions en cause ne sont applicables qu'aux bâtiments à édifier ou à reconstruire totalement ou partiellement ; qu'il en résulte que le directeur de l'urbanisme et de la construction ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour invoquer la non-conformité des locaux dont la construction était antérieure aux textes susvisés ; qu'il résulte enfin de l'instruction qu'il n'existait aucun trouble d'une gravité suffisante pour permettre à une autorité de police d'interdire la location des locaux en cause ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Claude est fondée à demander l'annulation de la décision susvisée du directeur de l'urbanisme et de la construction en date du 21 janvier 1991 ensemble la décision confirmative du Ministre d'État en date du 3 mai 1991 ;
Sur les conclusions à fins d'indemnité présentées par la Société Claude :
Considérant que la société requérante réclame à l'État une indemnité correspondant au montant des loyers qu'elle aurait dû percevoir depuis la date de la décision attaquée ; que cette demande doit être considérée comme fondée sur l'article 90-B-° de la Constitution ;
Mais considérant qu'en l'état des pièces du dossier il n'apparaît pas que les locaux étaient habitables au regard de la réglementation en vigueur et que les travaux que la société prétend avoir entrepris en 1988 n'ont pas fait l'objet de l'autorisation exigée par l'
article , alinéa 3 de l'ordonnance du 9 septembre 1966
et l'article 7 de l'arrêté du 18 octobre 1972 ; que la société requérante s'est donc mise en contravention avec les dispositions réglementaires applicables ; qu'il suit de là qu'elle n'est pas fondée à demander réparation du préjudice qu'elle allègue ;
Décide :
Article 1er : - La décision, en date du 21 janvier 1991, du directeur de l'urbanisme et de la construction et la décision confirmative, en date du 3 mai 1991 du Ministre d'État, sont annulées ;
Article 2 : - Le surplus des conclusions de la SCI Claude est rejetée ;
Article 3 : - Les dépens sont mis à la charge de l'État ;
Article 4 : - Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État ;
Contentieux Administratif
NOTE. - 1. La décision ci-dessus rapportée du Haut Tribunal mérite de retenir l'attention à différents titres. Elle se caractérise en premier, par un dispositif parfaitement fondé en droit ; elle supplée à l'argumentation quelque peu indigente de la société requérante ; elle censure une illégalité, grave dans son principe, de l'Administration tout en sanctionnant l'infraction commise par ladite société ; enfin, elle plonge le lecteur dans une certaine perplexité eu égard à sa motivation.2. - Les faits qui sont à l'origine de cette décision sont simples. En 1987, la société Claude a acquis la propriété de trois mansardes sises dans un petit immeuble, à Monte-Carlo. Après y avoir effectué des travaux de réfection, sans en avoir sollicité ni obtenu l'autorisation exigée du Directeur de l'Urbanisme et de la Construction, la société mit ses mansardes en location.Sur plainte d'un copropriétaire, une enquête fut diligentée par la Commission Technique pour la Sauvegarde de la Sécurité, de l'Hygiène et de la Tranquillité Publique qui conclut que lesdites mansardes ne remplissaient pas les conditions d'habitabilité définies par la réglementation en vigueur. En conséquence, par décision du 21 janvier 1991, le Directeur de l'Urbanisme et de la Construction « demanda » à la gérante de la société propriétaire des mansardes incriminées de « prendre les dispositions nécessaires pour que ces locaux cessent d'être habités à compter du 28 février 1991 », décision confirmée sur recours gracieux de la société, par le Ministre d'État le 3 mai 1991.3. - Dans sa requête introductive d'instance devant le Tribunal Suprême contre cette dernière décision, la société requérante se borna à une discussion de pur fait. Elle soutint que ses mansardes, d'une part, disposaient de la capacité requise par l'article 122 de l'ordonnance n° 3647 du 9 septembre 1946 concernant l'urbanisme, la construction et la voirie, d'autre part, n'avaient pas perdu toute habitabilité depuis leur acquisition, alors qu'antérieurement, elles étaient utilisées à usage d'habitation par les propriétaires des appartements auxquels elles étaient rattachées.La société conclut à l'annulation de la décision ministérielle du 3 mai 1991, ainsi qu'à la condamnation de l'État à lui verser une somme équivalant au montant des loyers qu'elle aurait dû percevoir depuis la décision attaquée jusqu'au jour où elle pourrait louer à nouveau.4. - La contre-requête présentée au nom du Ministre d'État souleva liminairement l'irrecevabilité du recours en contestant que la gérante de la société, signataire de la requête, ait eu qualité pour représenter la requérante devant le Haut Tribunal, faute d'avoir reçu pouvoir à cet effet.Sur le fond, le défendeur fit valoir que du fait de leur location à des tiers, les mansardes avaient changé de destination car, de locaux accessoires (Ord. L. n° 609, 17 sept. 1959, art. 35), elles avaient été transformées en locaux indépendants et principaux (Ord. L. n° 609 préc., art. 37). En effet, avant leur achat par la société Claude, lesdites mansardes servaient soit de greniers, soit de chambres de domestique aux propriétaires des appartements situés aux étages inférieurs. Or, un tel changement de destination exigeait l'autorisation préalable du Directeur de l'Urbanisme et de la Construction, autorisation que la société a également négligé de demander.La défense contestait en outre, la compatibilité des mansardes avec les normes réglementaires relatives à la capacité des locaux d'habitation, leur hauteur minimum et l'existence de fenêtres, remplacées en l'occurrence par des lucarnes ouvrant sur la toiture.Enfin, selon la contre-requête, la demande d'indemnité se heurtait à l'infraction commise par la société propriétaire en modifiant sans autorisation, la destination des locaux loués.5. - La réplique et la duplique n'ont fait que reprendre l'argumentation initiale de chacune des parties, la requérante se référant au texte de ses statuts pour justifier la recevabilité de son action.C'est en cet état que le Tribunal Suprême a statué.6. - Il déclare tout d'abord le recours recevable en interprétant les statuts de la société relativement aux pouvoirs d'administration qu'ils conféraient au gérant.Au fond, il annule la décision ministérielle du 3 mai 1991, ainsi que la décision du Directeur de l'Urbanisme et de la Construction en date du 21 janvier 1991.En revanche, la demande d'indemnité présentée par la société est rejetée.Pour en décider ainsi, le Haut Tribunal s'est fondé sur les motifs analysés ci-après.7. - En ce qui concerne tout d'abord l'illégalité de l'interdiction faite à la société propriétaire de louer ses mansardes, il retient trois moyens :a) absence de texte de nature législative autorisant l'Administration à décider une telle interdiction ; la violation des dispositions réglementaires d'urbanisme et de construction non respectées par les mansardes en cause peut seulement entraîner des sanctions pénales et des mesures d'interdiction prononcées par les tribunaux sur le fondement de l'article 13 de l'ordonnance-loi n° 674 du 3 novembre 1959 ;b) impossibilité en l'espèce, de retenir la non-conformité des locaux litigieux aux dispositions susvisées, ces dispositions n'étant applicables qu'aux bâtiments à édifier ou à reconstruire, alors que la construction desdits locaux leur est antérieure ;c) absence de trouble d'une gravité suffisante pour permettre à une autorité de police d'interdire la location de ces locaux.8. - En énonçant qu'aucun texte de nature législative n'autorise, en Principauté, l'Administration à interdire la location à usage d'habitation de locaux non conformes aux normes réglementaires de l'urbanisme et de la construction, l'arrêt commenté fait une analyse exacte de la législation monégasque. Paradoxalement en effet, compte tenu de la minutie des dispositions des textes intervenus en ce domaine, ni l'ordonnance-loi n° 674 du 3 novembre 1959 susvisée concernant l'urbanisme, la construction et la voirie et les textes subséquents, ni l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 relative aux conditions de location des locaux à usage d'habitation et les textes pris pour son application ne prohibent la location à usage d'habitation de locaux non habitables au regard des textes précités.9. - En second lieu, si le premier motif de l'arrêt commenté relève également que la violation des dispositions législatives concernant notamment la construction ne peut donner lieu qu'à des sanctions pénales et à des mesures d'interdiction prononcées par les tribunaux, en revanche, le deuxième motif constate que ces dispositions et sanctions étant postérieures à la construction des mansardes litigieuses ne leur sont pas applicables.Enfin, selon le troisième motif, l'interdiction de louer lesdites mansardes ne peut se justifier en tant que mesure de police en l'absence de trouble à l'ordre public.Il s'ensuit que cette interdiction se trouve dépourvue de toute base juridique et encourt de ce chef l'annulation.De surcroît, elle constitue une violation de la Constitution.10. - En effet, elle porte une atteinte sérieuse à la propriété privée dont l'inviolabilité est garantie par l'article 24 de la Constitution. Si l'Administration peut, en certaines circonstances, transgresser cette disposition constitutionnelle, c'est exclusivement dans l'intérêt de l'ordre ou de la chose publique, ou en raison de circonstances économiques ou sociales l'exigeant. En outre, les atteintes portées au droit de propriété doivent être équitablement compensées (Trib. Sup. 6 mars 1967, Sieur d'Estienne d'Orves et autres [six arrêts], note P. Weil. - 3 juin 1970, Sté Patricia).En l'espèce, il est acquis selon l'appréciation même du Tribunal Suprême, qu'il n'existait aucun trouble d'une gravité suffisante permettant d'interdire la location par mesure de police. Nulle atteinte ne pouvait dès lors être portée au droit de propriété de la société Claude sur les mansardes en cause. L'interdiction qui lui en a été faite de les louer, est, en conséquence, gravement illégale et confine à l'inexistence de la décision.11. - Il en va d'autant mieux ainsi qu'il serait possible d'envisager un motif supplémentaire d'annulation.De fait, l'interdiction de louer les mansardes constitue une mesure de police individuelle. Or, il est de règle généralement admise en droit administratif français sur le fondement du principe d'égalité que, sauf circonstances particulières, une telle mesure doit se rattacher à un règlement général (cf. G. Vedel, et P. Delvolvé, Droit administratif, t. 2, 12e éd., p. 716. - E. Picard, La notion de police administrative, 1984, n° 411 s. - CE sect., 20 janv. 1956, B. : Rec. CE, p. 26). Ce n'est qu'en cas de trouble à l'ordre public provenant d'une cause isolée que l'acte individuel ne risque pas d'être illégal.En l'occurrence, aucune décision réglementaire édictant l'interdiction de louer les locaux à usage d'habitation qui ne répondent pas aux prescriptions légales n'est intervenue. La décision prise « ut singuli » contre la société Claude pouvait donc, de ce chef encore, encourir l'annulation.Il convient toutefois de réserver l'hypothèse où le règlement préalable serait lui-même illégal. En effet, le trouble à l'ordre public est simplement prévu ou redouté sans qu'on en connaisse a priori la gravité. Il pourrait donc être appliqué alors même qu'il ne serait pas dicté par une nécessité avérée.12. - L'illégalité, dont l'interdiction de louer se trouve en toute hypothèse entachée, n'a toutefois pas permis à la société d'obtenir l'indemnisation qu'elle escomptait pour la privation des loyers provenant de la location des mansardes.Pour en décider ainsi, l'arrêt se fonde sur deux motifs :a) il n'apparaît pas des pièces du dossier que les locaux litigieux étaient habitables au regard de la réglementation en vigueur ;b) le défaut d'autorisation des travaux effectués et du changement de destinataire des mansardes.A la lecture du premier de ces motifs, on pourrait penser qu'il contredit celui examiné précédemment, mais il n'en est rien.En qualifiant les mansardes de « non habitables », le Tribunal Suprême porte sur elles une appréciation résultant de la confrontation des données que lui fournissent à leur égard les pièces du dossier avec les dispositions de la réglementation en vigueur dont il est acquis qu'elles représentent les normes minimales d'habitat répondant aux conditions d'hygiène, de salubrité et de sécurité nécessaires. Le Haut Tribunal a donc porté en l'occurrence une appréciation d'ordre technique et non juridique.13. - Au caractère « non habitables » des locaux loués, s'ajoutent les deux infractions commises par la société Claude en s'abstenant d'obtenir l'autorisation préalable du Directeur de l'Urbanisme et de la Construction tant pour exécuter des travaux dans ses mansardes (Ord. 9 sept. 1966, art. 1, al. 3), que pour changer leur destination (A. n° 73-287, 17 oct. 1992, art. 7). Or, conformément à une jurisprudence administrative bien établie, la faute de la victime exonère ou atténue selon sa gravité la responsabilité de la puissance publique et réduit en conséquence entièrement ou en partie l'indemnité qui lui serait due (cf. G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., t. 1, p. 610 et les arrêts cités).En l'occurrence, le Tribunal Suprême a estimé que la double infraction commise par la société requérante était totalement exonératoire de la responsabilité de l'État, ce qui paraît des plus logiques car le dommage dont elle s'est plaint lui est entièrement imputable. Si les autorisations requises avaient été demandées, elles auraient très probablement été refusées en raison des circonstances de l'espèce et la société, ne pouvant dès l'origine louer ses mansardes à usage d'habitation, n'aurait eu aucune perte de loyer à déplorer. C'est là l'application justifiée de l'adage « nemo auditur... ».G.-H. GeorgeDocteur en droitAvocat honoraire au Conseil d'État et à la Cour de cassation